De quels droits ?/Les étrennes de l’Industrie du disque

Christine Tréguier  • 14 janvier 2010
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Mise en place par Frédéric Mitterrand en septembre, juste avant le bouclage de la loi Hadopi, la mission « Internet et création », rebaptisée mission Zelnik (du nom du PDG de la maison de disques Naïve et producteurs de Carla Bruni, nommé à la tête de ladite mission), devait trouver des mesures rapides et concrètes pour soutenir l’offre culturelle légale sur Internet. Avec deux mois de retard, elle vient de rendre son rapport. Juste à temps pour que Nicolas Sarkozy puisse annoncer quelques-unes de ses mesures lors des vœux au petit monde de la culture.

Sans surprise, il a attaqué par le volet répressif. On ne transige pas avec le respect des droits d’auteur, vive l’Hadopi, « une organisation efficace qui respecte les libertés » , et ceux qui sont contre sont victimes d’ « une espèce de jeunisme qui consiste à céder à toutes les modes » . Efficace, Hadopi ? L’avenir le dira ; le chef de l’État, lui, annonce d’ores et déjà son intention d’aller plus loin et promet « le filtrage sans délai » ! L’Hadopi devra « “dépolluer” automatiquement les réseaux et les serveurs de toutes les sources de piratage » . Il occulte juste un détail : pour obliger les fournisseurs à filtrer les sites de téléchargement illégal, la Haute Autorité devra en passer par une procédure judiciaire contradictoire, et le Conseil constitutionnel a invité les juges à ne prendre que « les mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause ».

Il a également tapoté sur les doigts des producteurs de musique, les priant de faire un effort pour libérer leurs fichiers musicaux sur toutes les plateformes. La mission suggère deux pistes pour soutenir l’économie balbutiante des nouveaux intermédiaires : la licence légale (en vigueur pour les radios hertziennes) pour les web radios, et le passage à la gestion collective des droits pour les sites de streaming et de téléchargement. Les majors qui font surpayer l’accès à leur catalogue ont un an pour s’exécuter, faute de quoi la loi les y obligera.

Puis est venue l’heure des cadeaux. Sarkozy a promis d’intercéder auprès de l’Europe pour baisser la TVA sur les produits culturels. Parmi les autres mesures à étudier, une augmentation des crédits d’impôt pour les producteurs, une mise à contribution des fournisseurs d’accès (FAI) sous forme d’une augmentation de TVA, et une éventuelle taxe (1 à 2 %) sur le magot publicitaire des grands portails et moteurs de recherche internationaux. Yahoo ou MSN, et surtout Google, accusé d’abus de position dominante, seraient priés de déclarer les clics français au fisc et de payer leur dîme. L’idée de cette « taxe Google » a valu aux « vautours de la culture française » critiques et moqueries dans les médias étrangers.
Dernier cadeau présenté sous des atours pédagogiques : une « carte musique en ligne » pour « réhabituer les jeunes à acheter » . La mission Zelnik suggère à l’État d’investir 25 millions à raison de 20 euros subventionnés sur une valeur d’achat de 50 euros. Grand prince, Sarkozy quadruple la mise en évoquant une carte de 200 euros. Pour l’UFC-Que choisir, ce sont les internautes et les contribuables qui vont devoir payer pour l’essentiel de ces mesures et, une fois de plus, « le gouvernement a fait le choix de soutenir une industrie déclinante au détriment du consommateur ».

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