De quels droits ?/Un fichier tentaculaire contre la « fraude »

Christine Tréguier  • 7 janvier 2010 abonné·es

En préparation depuis 2006, le Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) sera bientôt opérationnel. Objectifs avoués : simplifier les démarches pour les allocataires et lutter contre la fraude.
Le décret mettant en œuvre ce gigantesque fichier des bénéficiaires de prestations sociales (Sécu, allocations familiales, retraite, chômage, pensions et aides sociales), assorti de l’avis de la Cnil, a été publié au JO le 18 décembre.
Le RNCPS utilisera le NIR (numéro Insee) comme identifiant unique, et une soixantaine d’organismes sociaux au moins devraient l’alimenter et y avoir accès. De quoi faire planer le spectre du défunt Safari (projet de fichier interadministrations qui avait suscité la création de la Cnil). Le ministre du Budget, grand timonier de la chasse aux fraudeurs, s’en défend. Il ne s’agit pas, affirme-t-il, d’un fichier centralisant toutes les informations relatives aux bénéficiaires mais juste d’un répertoire contenant quelques informations administratives de base
(nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse et, facultativement, téléphone et e-mail, organismes de rattachement, nature des prestations).

Pourtant, si l’on en croit la direction de la Sécurité sociale, le RNCPS a été conçu comme le « pivot » d’un vaste système d’échanges, et le décret précise bien que le répertoire doit fiabiliser les échanges de données entre organismes de protection sociale, et entre ceux-ci et les administrations fiscales. Il reste particulièrement évasif sur qui accédera au RNCPS ou échangera via ce répertoire, renvoyant à une liste d’organismes publiée dans un arrêté ministériel. Lequel reste introuvable. Les nombreuses réserves émises par la Cnil traduisent sa méfiance. Elle évoque un « nombre particulièrement élevé » d’agents ayant accès au répertoire, souligne la nécessité de contrôler les habilitations, déplore l’absence de ladite liste, précise que le fisc n’a pas accès au NIR, et que tous « nouveaux échanges » envisagés devront lui être soumis au préalable.

La Commission tique également sur l’accès des collectivités territoriales et des centres communaux d’aide sociale au RNCPS. Ceux-ci, rappelle-t-elle, « ne sont autorisés à utiliser le NIR que dans le cadre des missions dévolues en matière d’aide sociale encadrée par la loi ou les règlements, et autorisant la collecte du NIR (par exemple : RMI, aide sociale aux personnes âgées ou handicapées) » . Pas question donc de laisser les édiles locaux fourrer leur nez dans le répertoire pour évaluer la situation sociale de leurs administrés, ou faire la chasse aux pauvres.

Enfin, la Cnil insiste lourdement sur la nécessité d’un bilan annuel. Elle souhaite notamment juger sur pièces des « améliorations réalisées et prévues en termes de simplification des démarches pour les assurés » , des « procédures d’habilitation au sein des organismes partenaires et [du] nombre d’agents habilités à consulter le RNCPS » , et réclame « un tableau récapitulant les échanges réalisés entre organismes » . Comme si elle avait, elle aussi, des doutes sur les visées du système.

Le décret.

L’avis de la Cnil.

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