Serge, maison d’arrêt d’Aiton

Politis  • 7 janvier 2010 abonné·es

«On entend souvent dire “conditions insalubres, promiscuité”. Je voudrais parler de l’inverse, de ce qui se passe à la maison d’arrêt d’Aiton (en Savoie). C’est un centre pénitentiaire récent (1992), au sein duquel a été ajouté un bâtiment à l’écart, en 2005, pour les détenus dits “fragiles” (délits ou crimes sexuels, mais aussi quelques vieux, de plus de 73 ans, et quelques détenus suicidaires). Je suis incarcéré dans ce bâtiment depuis novembre 2008. Les conditions sont plutôt bonnes : cellules de 10 m2 avec douche, cour de promenade spécifique, sport deux fois par semaine. Le reste de la maison d’arrêt est en bon état, à l’exception des douches, qui sont extérieures aux cellules dans les autres sections. Une directive européenne demande à ce qu’un secteur “arrivants” soit créé au sein des maisons d’arrêt. Conséquence : ce bâtiment jusque-là réservé aux détenus fragiles va être transformé en bâtiment “arrivants”.

Nous devrons rejoindre le reste de la ­maison d’arrêt, avec son lot de violence et de rackets. Même si Aiton est réputée être une prison calme, cela n’empêche pas les agressions. Ce qui est plus étonnant, c’est que dans cet environnement carcéral relativement protégé, il y a beaucoup de suicides et de tentatives de suicide. Trois ou ­quatre en 2008. Quatre suicides avérés en 2009. C’est sur ce point que je trouve l’univers carcéral français très déficient.

Les raisons sont multiples : lenteur des procédures judiciaires (18 mois pour être jugé en assises), absence de débouché, d’avenir, difficulté d’avoir un soutien psychologique ou psychiatrique faute de moyens, attitude parfois méprisante, infantilisante des surveillants (heureusement, pas tous). Même au sein d’une prison moderne comme Aiton, la prison reste inhumaine, et les détenus ressortent au mieux identiques à ce qu’ils étaient en entrant, ou pires. »

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Libres paroles de détenus
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