Ce que dévoile ce projet de loi

La tentative du gouvernement de faire interdire le voile intégral révèle des manœuvres politiciennes et des arrière-pensées xénophobes.

Ingrid Merckx  • 4 février 2010 abonné·es

Le 26 janvier, la mission d’information « sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national » a rendu ses conclusions. En l’absence de consensus sur une loi d’interdiction, elle a préconisé l’ouverture d’un débat. « À chacun de s’en emparer, aux formations politiques de trouver une voie de passage qui permette au pays de faire front face à ce défi. » François Fillon a fait vite : le 29 janvier, le Premier ministre a demandé au Conseil d’État d’étudier pour la fin mars « les solutions juridiques permettant de parvenir à une interdiction du port du voile intégral ». Pourquoi cette précipitation ? Qu’en est-il des arguments contre une loi d’interdiction développés dans le rapport ? François Fillon ne semble avoir retenu que le passage concernant les obstacles juridiques à une loi. En effet, sur quels fondements interdire le port du voile intégral ? Laïcité et dignité de la personne humaine seraient inopérants, d’après la mission, qui redoute une levée de boucliers du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme. La « piste la moins risquée » serait d’invoquer « la menace à l’ordre public » . François Fillon s’en est saisi, en soufflant que la décision finale reviendra à Nicolas Sarkozy et que les « tiraillements » que le sujet provoque au sein de la majorité sont «  inacceptables ». C’est dire si le contexte pèse sur cette nouvelle lubie antivoile islamique. Une loi d’interdiction en plein débat sur l’identité nationale et à la veille des élections régionales devait servir à resserrer les rangs de la majorité sur un consensus officiellement républicain, officieusement islamophobe, voire xénophobe. Si le voile divise même la majorité, le coup est raté.

Le voile intégral menace-t-il vraiment la République ? Seule une minorité de musulmans considère le « niqab » (la « burqa » comporte une grille devant les yeux) comme une prescription islamique. Très peu de femmes le portent en France. Et tout le monde ou presque estime que se voiler entièrement le visage pose un problème sinon à la personne voilée (si elle y est contrainte), en tout cas à la société. Le débat ne porte donc pas tant sur le port du voile intégral que sur la nécessité d’une loi. Une loi sur quoi ? Pour qui ? Quelles sanctions ? Quelles conséquences ? Des dangers d’un tel texte, François Fillon s’exonère bien rapidement.

Publié dans le dossier
Retraites : contre les idées reçues
Temps de lecture : 2 minutes