Entretien avec Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU

Le récent congrès de Lille a élu Bernadette Groison à la tête de la Fédération syndicale unitaire. La nouvelle secrétaire générale dresse un tour d’horizon critique des réformes gouvernementales.

Thierry Brun  • 11 février 2010 abonné·es
Entretien avec Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU
© Photo : Lo Presti/AFP

Politis : Vous avez été élue secrétaire générale de la FSU lors du congrès de Lille,
au moment où le gouvernement accumule les dossiers mettant en cause les politiques éducatives et taille dans les effectifs de l’Éducation nationale. Va-t-on vers de nouvelles mobilisations ?

Bernadette Groison : Cette période n’est pas simple, puisque nous sommes face à plusieurs réformes en cours, notamment celle de la formation des enseignants et celle du lycée. Nous sommes obligés de nous mobiliser pour dire ce qui n’est pas ­acceptable. Le ministère de l’Éducation nationale profite de la division syndicale, notamment sur le dossier de la réforme du lycée, pour dire que certains syndicats ne veulent rien toucher, comme la FSU. Il essaie d’étouffer notre discours et l’ambition que nous portons pour un lycée plus démocratique. L’enjeu est d’arriver à faire de l’école un vrai débat de société.

Avez-vous travaillé à une stratégie ?

Notre manifestation nationale pour l’éducation, fin janvier, était réussie, mais on sait que la mobilisation est difficile. On aurait cependant tort de croire que les personnels se contentent de la situation. Quand il y a trop de mécontentement et de découragement, les formes classiques d’action peuvent paraître désuètes, ou inadaptées. Mais le terreau des mécontentements peut produire des actions d’ici à fin juin. Il y a un certain fatalisme dans la tête de nos collègues, cette idée qu’on ne peut rien faire en ce moment et qu’on ne gagnera rien, ou que l’on ne pourrait pas faire autrement. Il nous faut arriver à déjouer ce fatalisme et redonner confiance dans l’action collective. Il nous faut faire passer le message dans l’opinion que, concernant l’école et bien d’autres sujets, on peut faire autrement.

Une réforme de la représentativité dans la Fonction publique devrait entrer en vigueur cette année. Êtes-vous satisfaite de cette loi ?

Ce qu’on attend surtout, c’est le texte de loi ! Nous avons signé des accords en juin 2008, et on nous avait dit que cela allait venir très vite, qu’on allait organiser une période transitoire… Il faut maintenant passer aux actes. Des élections vont arriver prochainement et on n’en connaît toujours pas toutes les modalités.

Est-il toujours question d’un syndicalisme de lutte
et de transformation sociale dans la FSU ?

Il est toujours question de ce syndicalisme, d’autant plus dans ce contexte ! Cela a été réaffirmé lors du congrès et dans tous les débats. Quand vous traitez des questions d’éducation, d’alternatives économiques et de Fonction publique, ce qui prime, c’est ce pour quoi on se bat dans la société, pour plus d’égalité, plus de justice sociale, contre les déterminismes sociaux. Cela pose bien la question d’une transformation sociale en profondeur et des luttes pour obtenir cette transformation.

Le rapprochement avec la CGT fait-il aussi partie de ce syndicalisme défendu par la FSU ?

Ce n’est pas une démarche de rapprochement. Nous avons débuté des rencontres avec la CGT et avec Solidaires. Nous souhaitons travailler avec ceux qui veulent bien travailler avec nous. Nous continuerons nos rencontres avec la CGT et avec Solidaires, comme cela a été réaffirmé pendant le congrès de Lille. Nous avons même dit qu’il fallait développer ces échanges pour que cela ne reste pas que des initiatives nationales.

Une nouvelle réforme des retraites se profile, et les enseignants ont gardé le souvenir de l’échec des mobilisations de 2003. La FSU est-elle prête à engager un rapport de force ?

L’année 2003 a laissé des traces dans le milieu enseignant. Le prochain rendez-vous sur les retraites sera très important pour nous. C’est un bon exemple du défi que doit relever le syndicalisme. Il faut sortir de ce débat dans lequel on veut nous enfermer aujourd’hui sur le thème : les gens vivent plus longtemps, il n’y a pas d’argent, il faut travailler plus. Il faut arriver à expliquer à tous les salariés qu’on leur ment. Il n’y a pas que l’âge de la retraite qui est en jeu, il y a aussi le financement des retraites, les conditions de travail, l’emploi et la précarisation. L’enjeu est de poser le débat sur les retraites dans son ensemble et de dire : on en discute, mais avec tous les paramètres. L’autre défi sera la mobilisation. Serons-nous capables de travailler dans l’unité la plus large pour créer un rapport de force sur cette question ?

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