Après la patate : la vigne, la tomate…

En autorisant une nouvelle pomme de terre transgénique, l’Europe cède à la pression des multinationales et prépare le terrain à une vingtaine de variétés de plantes modifiées.

Claude-Marie Vadrot  • 11 mars 2010 abonné·es

Prenant de vitesse de nombreux gouvernements, la Commission européenne, à l’initiative personnelle de son président, José Manuel Barroso, a autorisé le groupe allemand BASF à lancer la culture d’une pomme de terre transgénique nommée Amflora. Ce tubercule attendait son homologation depuis quatorze ans. Il n’est théoriquement destiné qu’à un usage industriel, pour la fabrication de papier, mais ses résidus pourront être utilisés pour l’alimentation animale – malgré la présence d’un gène de résistance aux antibiotiques qui pose problème aux experts sanitaires. Toutefois, BASF et d’autres sociétés spécialisées dans la mise au point de légumes et de plantes transgéniques ont déjà fait savoir qu’ils étaient prêts à mettre sur le marché d’autres variétés de patates génétiquement modifiées, destinées, elles, à l’alimentation humaine.
Au-delà des problèmes de santé et des dangers de dissémination des gènes modifiés, se posent la question de la façon dont l’autorisation a été obtenue et celle des critères ayant permis à l’Agence européenne de sécurité des aliments (AESA) de donner un avis favorable à cette mise en culture. Alors que les seules évaluations ont été faites sous la conduite et la responsabilité de la firme allemande, l’AESA se contentant de les avaliser sans contrôle ni expérimentation indépendante. Décision d’autant plus surprenante que, au début de l’année, la directrice du département OGM de la Commission européenne a rejoint une autre société, Syngenta, prête à proposer d’autres variétés de plantes transgéniques. Comme pour l’OMS et le virus de la grippe H1N1, la perméabilité entre les salariés des multinationales et des organismes de contrôle ou de veille est à la fois permanente et inéluctable, puisqu’il n’existe pratiquement pas de financement indépendant, en France et en Europe, pour étudier sur la durée et de façon autonome les innovations proposées par l’agro-industrie.

La France, avec les réserves émises par Chantal Jouanno, la secrétaire d’État à l’Écologie, a fait semblant de contester la décision. Alors que, dans le Nord de la France, les agro-industriels mènent déjà de discrètes expérimentations, en faisant mine d’oublier ce que savent tous les agriculteurs et les jardiniers : il est impossible de garantir que toutes les patates seront récoltées. Celles qui restent en terre seront mêlées avec de nouvelles cultures « normales ». Donc il y aura mélange entre les variétés génétiquement bricolées et les autres. Les déclarations de Nicolas Sarkozy, au Salon de l’agriculture, qui remettent en cause les précautions agricoles préconisées par le Grenelle de l’environnement, rappellent que, pour complaire à l’agrobusiness, la France est désormais disposée à accepter toutes les entorses à la protection de la santé et à la préservation de la biodiversité.

La réaction des écologistes et de la Confédération paysanne est d’autant plus vive que, déjà, le tonnage annuel des pesticides est reparti à la hausse, passant de 80 000 à 85 000 tonnes, et que les multinationales préparent de nouvelles variétés de transgéniques. Il s’agit notamment de la vigne, avec la participation active de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), des tomates, des concombres, du blé et de nouvelles sortes de maïs. En tout, une vingtaine de projets attendent le feu vert de la Commission. Sans oublier que la société coopérative internationale d’origine française Limagrain vient de se voir attribuer une subvention de 150 millions d’euros de la part du Fonds stratégique d’investissement du gouvernement français, alors qu’elle prépare également la mise sur le marché de plusieurs variétés végétales transgéniques, dont deux de blé. Cela doit être ce que le président de la République appelle se mettre au niveau de la concurrence internationale.

Écologie
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