Fronde contre l’Acta

Christine Tréguier  • 11 mars 2010
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Le 10 décembre dernier, une coalition internationale d’ONG et d’associations de défense des consommateurs publiait une lettre ouverte aux institutions européennes concernant l’Accord commercial anti-contrefaçon. Cet accord multilatéral, poussé par les industriels de la pharmacie, du logiciel ou encore du divertissement et de la culture, se négocie dans le plus grand secret depuis un an et demi (voir Politis n° 1086).

Un document signé du délégué au Commerce américain a récemment fuité. Comme le redoutaient les opposants à l’Acta, la signature de ce traité imposerait aux États signataires de modifier leurs procédures légales civiles et pénales pour protéger les droits de propriété intellectuelle dans le monde numérique. Le document est sans équivoque : sous couvert de lever l’ « incertitude légale » qui constitue une « barrière à la croissance économique du commerce électronique » , il prévoit de généraliser la responsabilité des tiers. Ainsi, pour ne pas devenir responsables des infractions au droit d’auteur perpétrées par leurs utilisateurs, les fournisseurs d’accès et de services en ligne seraient tenus de mettre en place des systèmes de contrôle – type filtrage ou riposte graduée – sur demande ou de leur propre initiative. Un autre document divulgué fait apparaître les annotations favorables des négociateurs de la Commission européenne.

De quoi faire réagir le Parlement européen, qui a été soigneusement tenu en dehors du projet. Plusieurs députés ont rédigé une déclaration ouverte à signatures. S’appuyant sur le traité de Lisbonne, ils demandent l’accès à tous les documents de travail, et le respect du processus de codécision. Pour eux, les mesures prévues ne respectent pas le principe de subsidiarité et interfèrent avec les lois en vigueur et les droits fondamentaux des utilisateurs. Une résolution en ce sens va être soumise au vote du Parlement. Si elle est adoptée, le traité fera alors l’objet d’un débat avec le Conseil et la Commission.

Le contrôleur européen à la protection des données (CEPD), Peter Hustinx, n’apprécie pas non plus d’avoir été laissé sur le banc de touche. Il a publié un avis où il souligne l’impact significatif des mesures envisagées sur les droits fondamentaux des personnes. « La protection de la vie privée et des données personnelles, précise-t-il, doit être prise en compte dès le début des négociations, pas quand les schémas et procédures ont été définis et adoptées, et qu’il est trop tard pour trouver des solutions alternatives respectant la vie privée. » Il note également que bien que l’objectif avoué du traité soit la contrefaçon à grande échelle, « on ne peut exclure que les activités ordinaires des citoyens tombent sous le coup de l’Acta » . Et de s’interroger longuement sur la nécessité et la proportionnalité de méthodes intrusives comme la riposte graduée, dont l’efficacité n’a pas encore pu être évaluée. Le CEPD appelle donc la Commission à veiller à ce que le sujet soit traité dans la plus grande transparence et le respect de la réglementation communautaire.

L’avis du CEPD.

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