Ils sont majeurs, donc « hors la loi »…

À Montpellier, le réseau est en pointe sur la défense des jeunes adultes. Il travaille en lien avec le Maroc, où un comité s’est monté pour accueillir les expulsés.

Ingrid Merckx  • 4 mars 2010 abonné·es

À Montpellier, RESF a pignon sur rue. Le réseau est hébergé par la Cimade, rue du Faubourg-Boutonnet. « La Cimade faisait un accueil juridique pour les sans-papiers, on a vu dans la création de RESF 34, en 2005, l’occasion d’assurer, en liaison avec un réseau national, un soutien plus spécifique en direction des enfants scolarisés, de leurs familles et des jeunes majeurs, explique Michel, bénévole de l’association et l’un des initiateurs du comité local. Nous avons commencé à les aider à constituer leur dossier et à sortir de leur isolement. Cela a également permis à des gens qui n’étaient pas dans des circuits militants de rejoindre le réseau, en particulier des enseignants et des parents d’élèves scandalisés par l’expulsion d’enfants. »

La permanence RESF a lieu le mercredi de 15 h à 17 h : « On reçoit les nouveaux et on met à jour les dossiers des anciens. Certains datent de 3 ou 4 ans ! » Quatre ans de clandestinité, comme pour Abdeslam. Un jeune homme arrivé en France à l’adolescence, dont la situation est tellement emblématique de l’impasse dans laquelle se trouvent nombre de jeunes majeurs qu’un texte de lui a été placé en exergue du rapport envoyé au Comité de défense des droits de l’enfant de l’ONU (voir encadré). Âgé de 19 ans, d’origine marocaine, Abdeslam était lycéen quand il a contacté RESF. Il a participé aux ateliers d’écriture proposés par le réseau puis, un jour, il a reçu une obligation de quitter le territoire. « Pendant deux ans, on ne l’a plus vu. Il avait fait appel de la décision du tribunal administratif. Quand il est revenu, il travaillait. Pour une nouvelle demande de titre de séjour, il devait s’inscrire comme travailleur. On a transmis son dossier à la CGT… »

Quatre-vingts pour cent des personnes suivies par RESF 34 sont d’origine marocaine. Un comité local s’est monté de l’autre côté de la mer pour accueillir ceux que la France renvoie. Comme Hassan, 21 ans, expulsé il y a bientôt un an, le 10 mars 2009, alors qu’il vivait en France depuis six ans. Ayant grandi au Maroc, il était venu en France rejoindre son père, sur le territoire depuis trente ans, après la mort de sa grand-mère, chez qui il vivait. « Il n’a plus aucune attache là-bas ; depuis son expulsion, il erre… », alerte Caroline, une mère d’élèves membre du réseau. En France, Hassan avait entamé un CAP de mécanique et obtenu quatre autorisations provisoires de séjour. Comme il a échoué à l’examen, son renouvellement lui a été refusé. Direction le Maroc. « Cela fait un an qu’on se bat pour obtenir son retour, explique Caroline. Le préfet a le pouvoir de l’autoriser. » La lenteur des procédures est ce qui pèse le plus, d’après cette militante. « Le 8 février, le conseil municipal a voté à l’unanimité (la droite s’étant abstenue) une motion pour demander son retour. Sa santé mentale se dégrade. J’ai peur pour sa vie. »

Les jeunes majeurs sont dans des situations inextricables, « hors la loi » puisque sans droits spécifiques. RESF Montpellier, « plutôt en pointe sur le sujet » , réunit deux fois par mois des « groupes de jeunes majeurs solidaires » pour leur faire partager leurs expériences, organiser des sorties… « Les études en apprentissage posent problème, glisse Michel. Même pour travailler partiellement, il faut une autorisation de travailler, et donc un titre de séjour… » D’où la nécessité de réunir des éléments qui viennent « prouver » leur intégration, dont leur maîtrise du français, et de multiplier les parrainages. « 95 parrains à Montpellier. 90 personnes actives dans le réseau, et une liste de 350 sympathisants pour accompagner plus de 200 personnes actuellement, dont une centaine de jeunes majeurs », liste Michel. « Mais ces chiffres ne concernent que ceux qui viennent nous voir ! » , prévient-il, pour rappeler que des milliers sont « sans papiers » sans le dire.

Le nerf du réseau, c’est d’abord la dynamique impulsée dans les établissements scolaires, « via des parents d’élèves et des enseignants, dès qu’on reçoit un jeune ou une famille en danger, complète Caroline. Ça ne marche pas à tous les coups, mais plusieurs comités de soutien se sont montés. » En 2009, le lycée Clemenceau s’est mobilisé autour de deux jeunes gens. Aujourd’hui, ils ont tous les deux un titre de séjour étudiant. RESF 34 compte aussi un comité à Béziers et un à Sète. Dans la cité de Brassens, le réseau se concentre sur le centre de rétention et le port, d’où partent les ferries et où arrivent les sans-papiers sommés de prendre la mer.

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RESF, un contre-pouvoir
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