La lutte comme discipline féminine

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, le 8 mars, nous avons choisi de mettre
en avant trois personnalités combatives et opiniâtres (Madeleine Hersent, Claire Brisset et Marie Moinard), engagées pour un monde plus juste.

Clémentine Cirillo-Allahsa  • 4 mars 2010 abonné·es
La lutte comme discipline féminine
© DR

Madeleine Hersent, funambule solidaire

Au mot « entraide » , elle associe « égalité » . Pour elle, la « richesse » est « celle des savoirs, des expériences et des êtres ». Dites « éthique » , elle répond : « morale » . En précisant « politique ». Madeleine Hersent appartient au milieu de l’économie sociale et solidaire. Dans son bureau, le désordre apparent est maîtrisé : piles de livres et de dossiers, coupures de journaux, cartes postales, gravures, poèmes. Femme de conviction, pugnace et persévérante, elle tient à se faire entendre par la force des actes plus que par celle des mots. Au reste, elle reconnaît ne pas être à son aise pour « se raconter ». Mais, quand elle décrit son monde, elle devient prolixe. Ouvre les guillemets pour se réclamer d’une « génération qui a mis son engagement politique dans son engagement professionnel ».
Après quelques années à la campagne, l’enseignante d’un temps revient à Paris, « avec un fils en bas âge, seule et sans boulot ». Une rencontre avec Bertrand Schwartz, créateur des missions locales d’insertion, et une formation plus tard, cette presque idéaliste a croisé des gens pensant comme elle. « On n’était pas des carriéristes. On voulait juste changer les choses ici et maintenant, faire un monde meilleur. » Elle travaille auprès de publics en difficulté lorsqu’elle constate le manque de structures d’accompagnement pour les femmes qu’elle a formées dans les quartiers dits sensibles. Alors, en 1983, elle fonde l’Agence pour le développement de l’économie locale (Adel), puis, en 1999, le réseau Ré-Actives, qui regroupe des initiatives de femmes. « Je voulais faire quelque chose d’utile ! »

De l’Adel aux forums sociaux, Madeleine Hersent tisse des liens partout dans le monde. Un symptôme : cette femme singulière s’exprime toujours au pluriel. Question de foi dans le collectif et « la culture partagée, qui manque à la gauche d’aujourd’hui » . Elle a fait partie du mouvement d’un certain 22 mars, « à Nanterre, en 1968. J’avais 20 ans » . Forcément, l’idée qu’il faut être plusieurs pour faire face aux puissants a guidé son travail. « On a montré que c’était possible ! » En 1997, le premier alter-réseau est créé et devient, en 2000, le Mouvement pour l’économie solidaire, dont elle est aujourd’hui coprésidente.

Au sein d’un monde d’hommes et d’économie, pareillement « enclins à ne porter aucune attention à la notion de genre » , elle a dû hausser la voix souvent. A contrario de sa mère, militante féministe, Madeleine défend une approche « avant tout politique et non sexiste ». Seulement, les faits sont là : « Lutter contre toutes les inégalités voulait dire aussi lutter contre celle-ci. »

Madeleine Hersent avoue s’être « outillée » , prenant ici ou là « pour que ça marche et pour transmettre » , créant ainsi une professionnalité singulière. « Funambule » sur une corde à la limite du possible et de l’irréalisable, elle regrette parfois de « n’en avoir pas suffisamment fait » et se veut « passeuse » de relais, de savoirs et d’espoir. C’est aux jeunes de « construire leur histoire » . Aussi leur enjoint-elle de porter les luttes « économique et politique à bras-le-corps. Dans le vaste champ des inégalités, les plus grands combats sont à venir ». Avant d’affirmer, en guerrière du solidaire, que « toutes les portes restent ouvertes, même s’il faut parfois donner un grand coup de latte pour s’assurer l’entrée ».

Société
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