Manipulations

Didier Bezace fouille habilement le clair-obscur de Marivaux.

Gilles Costaz  • 11 mars 2010 abonné·es

Dans l’œuvre de Marivaux, Didier Bezace semble avoir choisi les Fausses Confidences parce que, plus qu’aucune autre, la pièce est à ­double face. Elle est à la fois une analyse de l’amour et un décryptage de l’art social de la manipulation.

Certains ne veulent voir chez l’auteur de la Dispute que de la cruauté, d’autres que de l’émotion sentimentale. Dans ce spectacle, les deux éléments forment un étrange mélange qui est sans doute la vérité entière de l’univers de Marivaux. Là, tous les hommes montent des machinations. Le valet Dubois, joué presque froidement par Pierre Arditi, ment à tout le monde et tire les ficelles pour que son ­maître séduise la riche veuve Araminte. Ce jeune maître, Dorante – belle interprétation de Robert Plagnol –, entretient l’ambiguïté au point de ­laisser une autre femme (Marie Vialle) se croire aimée. Par ailleurs, l’oncle (Christan Bouillette) soumet les jeux de l’amour aux lois des affaires, et l’imbécile Arlequin (Alexandre Aubry) est d’une terrible méchanceté – comme on l’a rarement vu.

Les femmes échappent à cette vision (sauf les vieilles dames) : elles sont la lumière qui vient éclairer ce tableau d’une grande noirceur. C’est du moins ce que met en valeur la belle mise en scène de Bezace, à laquelle participent aussi d’autres grands interprètes (Isabelle Sadoyan, Jean-Yves Chatelais). Brûlante, enfin, est Anouk Grinberg, qui incarne la veuve étonnée dans un bouleversant alliage de rêverie et de réalisme.

Culture
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