Piégés par la dette

Après la Grèce, la Grande-Bretagne est menacée par les fonds spéculatifs.

Thierry Brun  • 11 mars 2010 abonné·es

Désormais, la Grande-Bretagne ne vaut plus tripette… En tout cas pour les hedge funds , ces grands fonds spéculatifs mondiaux qui font la pluie et le beau temps sur les marchés financiers. Jim Rogers, l’un des richissimes gourous du marché, fondateur avec George Soros du fonds d’investissement Quantum Fund, l’a déclaré récemment : « Je ne suis pas très optimiste pour l’économie britannique, qui croule sous les dettes ; je conseille d’ailleurs aux investisseurs de vendre leurs livres sterling s’ils en possèdent. » Selon lui, l’influente Fitch, agence internationale de notation financière, «  a récemment averti que la Grande-Bretagne pourrait perdre sa notation AAA. Il faut dire que le déficit budgétaire est désormais supérieur de 10 % à son produit intérieur brut ! » .
Ainsi en ont décidé les hedge funds , en classant ce pays au rang de « PIGS » [^2]. Et, selon le Wall Street Journal  (du 26 février), ces prédateurs ont coordonné une vague spéculative effrénée sur le marché des changes contre la livre et l’euro. Les représentants de ces fonds spéculatifs, dont l’illustre et infatigable George Soros, l’homme qui a fait s’écrouler la livre sterling en 1992 et empoché une fortune, ont convenu de cette attaque sur les monnaies lors d’un dîner discret à Manhattan. Leur objectif : amasser en quelques semaines des gains faramineux, avec des taux de rendement pouvant dépasser les 100 %, en pariant notamment sur la baisse de l’euro et sur la hausse des CDS ( credit default swap , contrats d’assurance sur la dette).

Les hedge funds sont ainsi les premiers à profiter des paniques successives sur l’endettement public des pays européens. Et la devise britannique est désormais une proie rêvée. De plus, l’empressement de ces fonds, qui montent en épingle la dette de certains pays européens, permet de préparer un programme sans précédent de démantèlement de l’État. George Soros a estimé dans une tribune parue dans le Financial Times  (du 21 février) que la crise budgétaire grecque mettait en évidence les failles de la zone euro et devait pousser celle-ci à se réformer pour être en mesure de surmonter la prochaine crise. Curieusement, les instances politiques européennes sont aux abonnés absents, et en France, pays qui pourrait être le prochain « PIGS », la perspective de laisser aux mains des marchés financiers la politique économique à conduire ne suscite même pas de débat.

[^2]: Les États fragilisés par leur dette publique sont qualifiés de PIGS (porcs) par les marchés financiers, ce qui correspond aux initiales du Portugal, de l’Irlande, de la Grèce et de l’Espagne (Spain en anglais).

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