Dura lex, web lex

Inefficaces et inadaptées, les nombreuses lois visant à contrôler l’activité des personnes sur le réseau menacent les libertés individuelles.

Christine Tréguier  • 29 avril 2010 abonné·es

Sous couvert de protéger certains intérêts publics et privés, l’État sarkozyste empile les lois et décrets permettant de tracer les activités et les opinions des internautes. Police et services de renseignement sont bien sûr les premiers à vouloir conserver dans leurs mégafichiers tout ce qu’Internet connaît de nous, les « sources ouvertes » (opinions politiques, religieuses, préférences sexuelles, lectures, centres d’intérêts, etc.). Ces services ont toute latitude de le faire avec Cristina (2008), un fichier que personne ne contrôle. Sa petite sœur, Edvige 3 (version 2009), les autorise à ficher les « activités publiques » des personnes qui « peuvent porter atteinte à la sécurité publique », et par dérogation certaines données sensibles.

L’extension des fichiers d’analyse des crimes en série aux délits en série, prévue par la Loppsi 2 (2010), laisse augurer de vastes croisements entre fichiers policiers, administratifs et sources ouvertes. Sans oublier les très indiscrètes données de connexion que les fournisseurs sont tenus de transmettre (loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004).
Dans la série surveillance en direct, Loppsi 2 offre désormais aux autorités la possibilité d’utiliser des mouchards informatiques pour « écouter » tout ce qui entre ou sort de l’ordinateur d’un quidam – et de son entourage – suspecté d’activités « criminelles ». L’étendue des ­infractions visées et la notion de réseau organisé permettent opportunément d’englober les activistes de tout poil, simples militants ou syndicalistes.

Politiques et industriels travaillent également au contrôle des contenus et des échanges. Deux lois en quatre ans sont ainsi sorties pour juguler le piratage des produits culturels. Quant au projet de loi sur le « droit à l’oubli » (fin 2009), il devrait permettre une suppression souple et à la demande des données personnelles. Rien à redire sur le principe, sauf à imaginer l’utilisation que ne manqueraient pas de faire de cette loi certaines personnalités en vue ou des grandes entreprises, pour effacer des informations embarrassantes sur leur compte. Ou comment se reconstruire une virginité numérique grâce à Internet.

Publié dans le dossier
Qui veut contrôler Internet ?
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