Faut-il boycotter Israël ?

Le philosophe Omar Barghouti examine les arguments
pour et contre
des sanctions économiques visant l’État hébreu.

Denis Sieffert  • 8 avril 2010 abonné·es

Ceux qui l’ignoraient l’apprendront accessoirement en lisant le livre du philosophe palestinien Omar Barghouti : « Boycott » est le nom d’un propriétaire terrien irlandais dont les ouvriers agricoles, mécontents du coût des loyers, organisèrent le blocus en 1879. Mais l’action à laquelle Charles Boycott, bien à son insu, donna son nom, est surtout célèbre au plan international pour avoir fait plier, en 1991, le régime sud-africain de l’apartheid. Faut-il aujourd’hui faire de même pour Israël ? Sans hésitation, Omar Barghouti répond par l’affirmative. Il n’est pas le premier, la société civile palestinienne (mouvements politiques, syndicats, associations) a lancé un appel en ce sens dès le 9 juillet 2005. Un appel «  au boycott, au désinvestissement et aux sanctions [plus souvent nommé « BDS »] contre Israël jusqu’à ce qu’il applique les lois internationales et les principes universels des droits de l’homme ».

Des mesures « punitives non violentes » qui visent aussi à réorienter le mouvement palestinien sous d’autres formes de résistance. Le grand mérite de Barghouti (ne pas confondre avec Marwan, leader du Fatah détenu en prison par Israël) est pédagogique.
Son livre, publié ces jours-ci par La Fabrique, répond à peu près à toutes les questions que l’on peut se poser sur le sujet quand on ne veut pas abandonner les Palestiniens à la colonisation, à la répression et à l’inertie internationale,
ni – ironie de l’histoire – au blocus dont est victime la population de Gaza.

Car n’existerait-il que cet argument, qu’il faudrait l’entendre : si le boycott contre Israël pose des problèmes de conscience, il ne semble pas que celui qui asphyxie Gaza empêche les dirigeants et les intellectuels des pays occidentaux de dormir. Mais Barghouti répond surtout aux doutes qui ont pu traverser, et traversent encore, les mouvements engagés dans la défense des droits des Palestiniens : le boycott et les sanctions économiques ne vont-ils pas crisper encore un peu plus la partie indécise de la population israélienne ? Ne vont-ils pas être interprétés comme une manifestation d’antisémitisme par les communautés juives d’Europe et des États-Unis ? Bref, ces actions ne seront-elles pas contre-productives ? Barghouti est convaincant, même si ici ou là des formulations ne sont pas les nôtres (pourquoi parler de « génocide » ou même de « tendance génocidaire »  ?). Il est surtout convaincant parce qu’il n’y a pas d’alternative, du moins tant que les États-Unis et l’Union européenne n’appliqueront pas eux-mêmes des sanctions pour faire rentrer Israël dans le droit commun des nations. Après tout, les citoyens de monde qui s’associent à ces actions font-ils autre chose que pallier la défaillance de la communauté internationale ?

Idées
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