La guerre oubliée

Les attentats récents répondent aux exactions russes en Tchétchénie et dans les républiques du Sud.

Claude-Marie Vadrot  • 8 avril 2010 abonné·es

Avec une belle unanimité, la France et les pays occidentaux ont condamné les deux attentats de Moscou (39 morts, le 29 mars) et, plus vaguement – c’est si loin, le Caucase ! –, celui où ont trouvé la mort une douzaine de policiers au Daghestan, le 31 mars. Une république qui compte une cinquantaine de nationalités et où la situation se dégrade depuis plusieurs années, entre corruption, pauvreté et répressions. Comme dans les autres républiques autonomes caucasiennes, dans lesquelles le mépris et les nominations autoritaires du Kremlin produisent leurs effets sur une population qui se sent rejetée par la Fédération russe.

Nulle voix en Occident, à commencer par Bernard Kouchner, ne s’élève pour dénoncer les exactions de cette Russie blanche qui, comme au XIXe siècle, cherche à éliminer les peuples qu’elle a soumis. Cette chape de plomb occulte les règlements de compte, les attentats meurtriers, les atteintes aux droits de l’homme et une pauvreté grandissante. Au nom du pétrole, des gazoducs et des oléoducs, et aussi parce que le pouvoir russe doit à tout prix « pacifier » la région pour que les Jeux olympiques d’hiver se déroulent sans accroc en 2014. Car si la ville organisatrice en est Sotchi, sur les bords de la mer Noire, ces jeux se dérouleront sur les pentes de la montagne caucasienne. Là où le désespoir des ­Tchétchènes et des autres risque de produire ses effets meurtriers. Il faut donc, avec la bénédiction des nations occidentales, que toute velléité de contestation soit anéantie au cours des deux prochaines années. Avec l’appui de la Chine, qui va « prêter » au moins 60 000 travailleurs dociles pour mener à bien les chantiers olympiques – travailleurs qui seront parqués en Abkhazie voisine, le nouvel État « indépendant » taillé dans le territoire géorgien qu’aucun pays n’a reconnu.

Le Kremlin, celui du président Medvedev comme celui de Vladimir Poutine, poursuit donc la guerre commencée en l’an 2000 contre la Tchétchénie. Au point de révulser les Ingouches, les Daghestanais, les Ossètes et tous ceux qui peuplent le piémont des montagnes caucasiennes. Des peuples en proie à une radicalisation qui sert objectivement la politique russe : elle a besoin d’un bouc émissaire pour faire oublier les conséquences de la crise économique qui fait grimper le chômage et dégringoler le rouble. Au point que les manifestions et les protestations, toujours réprimées, se multiplient à travers le pays.

Depuis un an, les attentats et les règlements de compte ont fait entre 400 et 550 morts au Daghestan, en Ingouchie et en Tchétchénie. Parce que la guerre redouble d’intensité dans cette dernière république, avec des maquis solidement installés dans le Sud. Au nom d’un islam et d’une haine soigneusement mis en avant par les partisans de Poutine pour justifier la répression. Au point que tout le monde feint d’oublier que, il y a encore une dizaine d’années, la révolte y était avant tout nationaliste, pas religieuse. Un bruit, jamais démenti par le Kremlin, court à Moscou : tous les Tchétchènes de la capitale et des grandes villes russes pourraient être systématiquement « déplacés » vers leur république. Des plans auraient été préparés par le ministère des Situations d’urgence. Sous Staline, on disait déportés.

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