Réfléchir aux besoins vitaux

Maire depuis 1992, René Balme, membre du Parti de gauche et proche de la décroissance, prépare l’adhésion de sa ville de Grigny (Rhône, 9 000 habitants) au réseau Cittàslow des « villes lentes ».

Patrick Piro  • 1 avril 2010 abonné·es

POLITIS : Le conseil municipal va délibérer avant l’été pour solliciter l’adhésion de Grigny à Cittàslow. Une première pour une ville française. Quel intérêt ?

René Balme : Nous sommes une des seules communes du pays à prôner la décroissance. Politiquement et philosophiquement, l’adhésion au réseau des « villes lentes » est une reconnaissance importante des nombreux efforts que nous menons depuis des années. À Grigny, commune semi-rurale, nous avons fait une priorité de la relocalisation de l’agriculture. La totalité des aliments de la restauration municipale sont issus d’un rayon de 30 km, produits écologiquement autant que possible. Nous préparons un marché bio mensuel et nous luttons contre les OGM. La ville économise l’énergie et utilise le solaire. Un gros projet imminent : couper l’éclairage public de 23 h à 5 h dans certains quartiers. Les déplacements doux sont favorisés – à pied pour les scolaires, dans le centre –, et nous sommes bien desservis par les transports en commun vers Lyon. Les espaces verts sont gérés écologiquement. Nous combattons le gaspillage, notamment avec un atelier de récupération d’ordinateurs déclassés, prêtés à un public défavorisé ou envoyé dans les pays du Sud, etc.

Ce n’est pas exceptionnel, cependant. Qu’est-ce qui vous différencie ?

Nous avons la volonté d’aller plus loin, en particulier en nous appuyant sur les citoyens. Depuis 1995, nous avons mis en branle des outils de démocratie participative, tels ces trois conseils – de quartier, des associations et des jeunes. L’an dernier, 350 000 euros, soit 10 % de notre enveloppe d’investissement, ont été affectés selon des propositions d’habitants, qui ont voté ce budget participatif sans intervention de la municipalité. Grigny est l’une des rares villes françaises à être allée aussi loin. Nous avons aussi lancé un groupe de travail sur les besoins vitaux : par exemple, est-il nécessaire d’éclairer les rues toute la nuit ? Les transports doivent-il être payants ? Et vaut-il mieux défendre la gratuité de la cantine ou celle du stationnement ? À Grigny, qui compte 40 % de quartiers populaires, le déjeuner scolaire est parfois le seul vrai repas de la journée pour certains enfants.

N’est-il pas un peu péjoratif de s’afficher « ville lente » ?

C’est peut-être un problème… Nous n’avons pas encore réfléchi à la manière de communiquer autour de ce projet.

La population vous soutient-elle suffisamment ?

Il y a beaucoup d’adhésion en faveur de la relocalisation de l’agriculture, de la gratuité de la restauration scolaire ou des transports – même si les plus aisés gardent parfois le sentiment qu’ils payent pour les autres. C’est en revanche plus difficile d’acquérir des appuis quand il s’agit de favoriser les piétons par rapport à la voiture…

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Rencontre avec Akhenaton
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