Rires et chuchotements

Joanna Hellgren crayonne un univers féminin de douce révolte.

Marion Dumand  • 8 avril 2010 abonné·es

Frances n’est pas une bande dessinée militante, au sens démonstratif du terme. C’est une histoire de l’intime, aux prises avec des règles sociales, patriarcales ; une histoire de femmes qui, sans crier gare, s’échappent du carcan. Nous sommes en Suède, certainement dans les premières décennies du XXe siècle, quand avortement et sexualité hors mariage ou homo relevaient du tabou. Là, sous le crayon à papier de Joanna Hellgren, deux parcours se croisent à quelques années et kilomètres de distance. Celui de Frances, gamine confiée à sa famille paternelle ; celui d’Ester, sa très jeune mère.

Frances ne connaît pas sa mère, et son père est en fugue. Ces manques, elle tente de les combler à grands coups d’imagination, à grand renfort d’espoir. Elle se raconte des histoires et les raconte aux autres. « Quand on ne peut pas savoir, tout ce qu’on peut faire, c’est choisir ce à quoi on veut croire », lui glisse sa tante Ada, jeune femme libérée et amoureuse de Louise l’écrivaine. Elle ajoute : « Il faut être très prudente quand tu parles de tes rêves. Il y a des gens qui ne ­veulent pas comprendre. Qui ne sont pas doux. »

Ester en sait quelque chose, elle qui perd sa place de bonne d’enfant pour une nuit d’amour et un ­ventre en expansion. Ses rêves de grand départ, elle les enfouit bien profond le temps de la grossesse pour mieux les ressortir une fois l’enfant (Frances) mis au monde. Et la douceur, alors ? Elle naît de l’attention que se portent ces femmes, elle naît du crayon de Joanna Hellgren, comme une fine pluie sur les collines.

Culture
Temps de lecture : 1 minute