Une crise sans fin ?

Le gouvernement s’appuie sur des hypothèses catastrophistes à l’horizon 2050. Or, il en existe d’autres.

Thierry Brun  • 22 avril 2010 abonné·es

La dramaturgie politique autour de la question des retraites donnera certainement matière à réfléchir aux générations futures, sur la vision très pessimiste de notre société dans un demi-siècle. Le huitième rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) en donne une illustration flagrante : trois scénarios ont été présentés, avec pour seules variables le taux de chômage et la productivité du travail. Ces hypothèses étayent l’idée d’un effondrement de l’actuel régime de retraite par répartition – dont il faut rappeler la grande originalité : la solidarité entre les générations et son caractère résolument non capitaliste.

Le gouvernement a adopté sans réserve ce rapport et en a fait une base incontournable pour les discussions entre les partenaires sociaux et l’État, qui ont débuté le 12 avril, et pour l’élaboration d’une énième « réforme » des retraites, dont le document d’orientation sera soumis à la concertation vers la mi-mai, avant la présentation publique d’un avant-projet de loi à la mi-juin.
Le contenu de ce rapport a donné lieu à un florilège de déclarations et d’articles de presse sur la faillite du système. Le Monde du 14 avril n’a pas hésité à titrer : « Sans réforme, il faudrait 2 600 milliards d’euros pour sauver les retraites en 2050. » Et repris l’hypothèse irréaliste que jamais la situation financière des retraites, dégradée par la crise, ne sera résorbée. De telles analyses masquent l’estimation du besoin de financement, qui est de 115 milliards d’euros (3 % du PIB de 2050) si l’on ne fait rien, dans l’hypothèse la plus catastrophiste. Cela signifie un effort minime de financement du système, qui pourrait être assuré par une augmentation des cotisations sociales (0,26 point par an à partager entre cotisations sociales et patronales). Éric Woerth, ministre du Travail chargé de la réforme des retraites, rejette d’emblée cette idée ainsi que celle d’un rééquilibrage de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Il aurait pourtant « des effets neutres sur la sacro-sainte compétitivité des entreprises s’il était compensé par une baisse des dividendes versés aux actionnaires » , note l’Union syndicale Solidaires. Et il permettrait de financer largement le système des retraites.

Car le gouvernement prétend réformer les retraites avec la prescience que la société de 2010 sera celle de 2050. Comme le dit Jean-Luc Mélenchon : *« Méditons sur le monde que nous prévoient pour dans quarante ans les bons esprits de notre temps. Il y régnera un chômage à 7 %, les femmes n’auront pas amélioré leur situation, les gens de 65 ans seront dans la rue en attendant de liquider des pensions de misère [^2]

[^2]: « Retraites, une panique organisée », par Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de gauche, Libération du 16 avril.) ! »

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