« Copie conforme » : Boîte à malices

« Copie conforme » relate une histoire de couple d’une grande simplicité tout en invitant à de multiples interprétations.

Christophe Kantcheff  • 20 mai 2010 abonné·es

Même s’il est le premier film qu’Abbas Kiarostami a tourné à l’étranger, avec une star internationale – Juliette Binoche –, et dans une économie de tournage plus classique que ses films précédents, Copie conforme ne constitue pas une rupture. Une inflexion plutôt, dans un parcours artistique jamais prédéterminé, toujours en quête de nouvelles formes, l’un des plus inventifs depuis deux ou trois décennies.

Le mouvement général de Copie conforme , à lui seul, est impressionnant : il s’agit d’un glissement progressif, qui va de l’abstraction des idées jusqu’aux émotions les plus intimes liées aux difficultés de l’amour et aux souffrances du couple. Au début, un écrivain anglais, James Miller (interprété par William Shimell, un baryton renommé qui n’avait jamais tenu de rôle au cinéma), invité en Toscane, tient une conférence à propos de son dernier livre, Copie conforme. « Elle » (qui n’a pas de nom – c’est Juliette Binoche), une galeriste française, y assiste partiellement, dérangée par son ado de fils, qui préfère sortir. Il et elle se revoient, au prétexte qu’elle a des remarques à lui faire sur son livre. Elle l’emmènera dans un village proche, où se déroule un mariage, pour lui montrer un célèbre tableau qui est en réalité un faux.
Le dispositif du récit n’est pas plus compliqué, et pourtant ce qui se passe entre les deux personnages est vertigineux. Dans un café, la patronne prend le couple fortuit et éphémère pour mari et femme. Ils acceptent la fiction, qui devient vérité, et les voilà mariés depuis quinze ans, en proie à l’usure du couple, elle souffrant de la froideur de son mari, lui étant dans l’incapacité de lui exprimer ses sentiments. On songe très fort à V oyage en Italie , l’un des chefs-d’œuvre de Rossellini, duquel Abbas Kiarostami a parfois été rapproché.

Copie conforme est une boîte à malices qui contient de multiples sens. Sur la fiction, sur le visible, sur la relation nécessaire entre engagement et point de vue… Le film invite à toutes les interprétations, en même temps qu’il peut être lu le plus littéralement qui soit : l’histoire d’un homme et d’une femme qui se rencontrent pour la première fois, puis celle d’un couple déjà ancien, sur le point de se séparer. William Shimell, avec sa distance toute british, et Juliette Binoche, qui fait affleurer à la perfection la fragilité de son personnage, son caractère entier et sa fantaisie, forment un couple de cinéma crédible à tout instant. Et mystérieux à la fois. Sur la dernière image, huit coups sonnent à un clocher alors que James Miller est censé reprendre son train à 21 heures. L’heure qui reste est à imaginer. Mais peut-être aussi tout ce qui, sur l’écran, a précédé.

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