Injuste justice

La Ligue des droits de l’homme montre une institution judiciaire de plus en plus inégalitaire.

Laurence Texier  • 13 mai 2010 abonné·es

Les riches d’un côté, les ­pauvres de l’autre. Et, au milieu, un fossé que la réforme pénale s’apprête à creuser davantage. C’est une justice de plus en plus inégalitaire que dépeint la Justice bafouée, l’état des droits de l’homme en France, un ouvrage publié par la Ligue des droits de l’homme (LDH) en collaboration avec différents acteurs du monde judiciaire. « On n’est pas loin du bouclier pénal », affirmait le 13 avril Jean-Pierre Dubois, président de la LDH, en présentant cette synthèse annuelle des analyses de l’organisation, après Une société de surveillance, paru en 2009.

Dans un chapitre intitulé « La justice des pauvres », l’avocat Denys Robillard explique de quelle manière la justice s’éloigne des justiciables. Financièrement d’abord, puisque le budget de l’aide juridictionnelle, qui permet à chaque citoyen dont le revenu mensuel est inférieur à 1 000 euros de bénéficier d’un avocat, ne cesse de diminuer : 275 millions en 2009 contre 327 millions en 2008. Structurellement ensuite, puisque l’organisation même de la justice en France induit des traitements inégalitaires. Dernière preuve en date : la suppression de 178 tribunaux d’instance entraînée par la réforme de la carte judiciaire de 2008. En effet, si le tribunal d’instance « n’a pas vocation à traiter la pauvreté, les contentieux qu’il traite concernent de façon importante les pauvres », indique Denys Robillard.

C’est cette même réforme de la carte judiciaire que remet en cause la magistrate Évelyne Sire-Marin dans le chapitre « Justice et conflits sociaux », car elle a également supprimé soixante-trois conseils des prud’hommes. La responsabilité en incombe au Medef, qui estimait le patronat « insécurisé juridiquement » au motif que, « dans les trois quarts des affaires, le salarié obtient satisfaction » devant les prud’hommes et voit son licenciement pour faute requalifié en licenciement abusif.

Tandis que cette efficace protection salariale risque d’être mise à mal, le patronat est en passe de voir la prochaine réforme pénale dépénaliser l’économie et la finance, notamment grâce au raccourcissement du délai de prescription des abus de biens sociaux. Si le parquet estime qu’un préjudice inférieur à 70 000 euros « ne mérite pas de poursuites pénales », bon nombre d’affaires financières sont classées sans suite. Cependant que les salariés qui séquestrent leur patron encourent, pour leur part, cinq ans de prison. Comment en vient-on à un si flagrant décalage ?

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Éducation à la sexualité : l’État condamné pour 24 ans de manquements
Entretien 3 décembre 2025 abonné·es

Éducation à la sexualité : l’État condamné pour 24 ans de manquements

En France, l’éducation à la vie affective et sexuelle est inscrite dans la loi depuis 2001, organisée en trois séances par année scolaire. Dans la pratique, c’est loin d’être le cas. Face à ce manquement, le Planning familial, Sidaction et SOS Homophobie ont saisi la justice il y a deux ans et ont obtenu gain de cause le 2 décembre. Entretien avec Sarah Durocher, du Planning.
Par Caroline Baude
Sondages : « L’opinion publique est créée en même temps qu’on la mesure »
La Midinale 3 décembre 2025

Sondages : « L’opinion publique est créée en même temps qu’on la mesure »

Hugo Touzet, sociologue et auteur de Produire l’opinion, une enquête sur le travail des sondeurs aux éditions de l’EHESS, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
À Nantes, la socio-esthétique apaise les corps des demandeurs d’asile
Reportage 2 décembre 2025 abonné·es

À Nantes, la socio-esthétique apaise les corps des demandeurs d’asile

Bulle de douceur, le travail de la socio-esthéticienne du centre d’accueil des demandeurs d’asile complète l’approche des travailleuses sociales en redonnant au corps la place centrale qu’il mérite, et à la personne, un temps pour soi.
Par Elsa Gambin
29 novembre : en France, une unité nationale inédite mais tardive de solidarité avec la Palestine
Mobilisation 28 novembre 2025

29 novembre : en France, une unité nationale inédite mais tardive de solidarité avec la Palestine

Ce samedi de Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, une manifestation nationale rassemblera à Paris plus de 85 organisations : associations, syndicats et l’ensemble des partis de gauche. Une configuration inédite depuis le 7 octobre 2023, la plupart des structures politiques restant jusqu’ici en retrait ou divisées lors des mobilisations. Des rassemblements ont aussi lieu sur tout le territoire.
Par Caroline Baude