Peur sur les ruches

À travers la disparition des abeilles, Mark Daniels dresse le tableau d’une catastrophe écologique sans précédent.

Laurence Texier  • 13 mai 2010 abonné·es

Depuis quelques années, le rituel a tourné au cauchemar. Le printemps venu, alors qu’ils ouvrent les ruches, les apiculteurs sont confrontés à un mal étrange qui décime les abeilles par centaines de milliers. On l’appelle « syndrome d’effondrement des colonies », et il a déjà touché entre 30 et 80 % des cheptels des apiculteurs américains et européens. À chaque fois, le même scénario : pas de cadavre à l’entrée de la ruche, nulle ouvrière, et des abeilles qui ne reviennent pas. Parfois, c’est la colonie tout entière qui disparaît, comme un signe avant-coureur du désastre écologique qui se prépare. Or, l’apis mellifera, pollinisateur domestique, pollinise 80 % des espèces de plantes à fleurs et à fruits, garantit 35 % de la quantité de notre alimentation. L’abeille est ainsi considérée comme une « sentinelle de l’état de l’environnement ». Ce n’est donc pas juste une histoire d’abeilles mais celle de la disparition possible de l’humanité.

Recueillant les témoignages d’une vingtaine de scientifiques et d’apiculteurs, au long de huit mois de tournage, le Mystère de la disparition des abeilles livre, de manière très documentée, les noms des coupables présumés. Parmi eux, le varroa, le virus de la paralysie aiguë, et surtout les néonicotinoïdes, pesticides venus inonder les champs à partir des années 1990, alors que survenaient les premières disparitions inexpliquées d’abeilles. Des suspects, mais toujours présumés innocents puisque la communauté scientifique n’est tombée d’accord que sur un point : le mal est multifactoriel.

Il y a pourtant « un lieu sur terre où tous les éléments de cette catastrophe ont été réunis » : la Californie. Avec ses 36 milliards d’abeilles, débarquées par camions venus des quatre coins du monde, gavant les amandiers lorsque vient le temps de la pollinisation. L’apiculture se pratique à coups de pollen et de miel artificiels, et d’abeilles gardées artificiellement en vie, nourries de médicaments. Des abeilles « parfaites », mais aux capacités d’adaptation amoindries…

Peu importe : la préservation de l’espèce ne pèse guère lourd face à une économie mondiale de la pollinisation qui représente 153 milliards d’euros. Au milieu de ses ruches, quelque part dans la campagne écossaise, Willie Robson continue pourtant de prôner la résistance naturelle. Quand beaucoup d’autres apiculteurs spéculent déjà sur la fabrication d’une abeille transgénique.

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