Surcouf saborde ses employés

De nombreux salariés de la chaîne de matériel informatique étaient en grève pour protester contre la dégradation de leurs contrats de travail, après la cession de leur enseigne. Ils seront licenciés.

Florence Chirié  • 20 mai 2010 abonné·es

Un mois de grève et bientôt licenciés, pour certains dès le mois de juin. 174 salariés de Surcouf, chaîne de magasins spécialisés dans l’informatique, feront les frais de transactions entre riches héritiers de la grande distribution. À l’origine de cette situation, la cession par François-Henri Pinault, qui dirige le groupe PPR, de Surcouf pour un euro symbolique à Hugues Mulliez, l’un des membres de la riche dynastie du même nom. La transaction a été conclue au printemps 2009 sans qu’on sache les dessous de l’opération qui permet à Hugues Mulliez de fusionner à moindre frais ses enseignes Youg’s dans le futur groupe Surcouf. La mise en cause des droits sociaux des salariés constitue aussi un aspect du projet Mulliez. Même si, dans un entretien accordé au Journal du Net en juin 2009, le nouveau patron tentait de rassurer en annonçant une restructuration de l’enseigne Surcouf « a priori sans modifier les effectifs ».

La nouvelle direction s’est empressée d’aligner les conditions salariales des employés de Surcouf sur ceux des magasins Youg’s, et donc de proposer une modification des contrats de travail à 310 salariés (sur 400 travaillant pour l’entreprise). Un avenant prévoit ainsi une prime calculée sur la marge et une part variable désormais déterminée par la « satisfaction client ». À partir de 70 euros d’achats, les clients devront remplir une fiche de notation. Si les ­vendeurs obtiennent une note supérieure à 13 sur 20, ils bénéficieront de la prime. Mais si les clients refusent de répondre à cette enquête, la prime saute.

Cette modification entraîne une réduction importante des salaires, « de 10 à 50 %, alors que la base fixe du salaire est de 800 euros brut » , réagit un salarié [^2]. Un autre se plaint des objectifs de vente : « On ne conseille plus un produit en fonction des besoins du client, mais en fonction des besoins du magasin en termes de marge. » Un vendeur explique qu’avec « une politique de prix aussi agressive, il fallait bien taper quelque part pour récupérer de l’argent. Et, là où c’est le plus facile de taper, c’est sur la masse salariale ». Ainsi, sur les 310 salariés auxquels on a proposé l’avenant, 174 l’ont rejeté et sont désormais sous la menace d’une procédure de licenciement et d’un plan social « inacceptable tant il y a peu de mesures d’accompagnement et quasiment pas de mesures de reclassement » , souligne Fatma Mahi, secrétaire CGT du comité d’entreprise.

Même l’indemnité de départ de 1 200 euros par année d’ancienneté proposée par la direction n’a pas séduit. Trop peu pour des salariés déjà échaudés par des conditions de travail dégradées. Les salariés les plus anciens se sentent floués par le récent changement de direction, car une réduction des effectifs a provoqué une surcharge de travail et une cadence plus élevée. La vente de Surcouf à Hugues Mulliez, présentée par PPR il y a un an comme inévitable au prétexte que l’enseigne avait cumulé les pertes, a laissé un goût amer. Ainsi, le groupe de François-Henri Pinault avait fortement développé le secteur informatique de la Fnac au détriment de Surcouf. « Il y avait de grosses erreurs de gestion. Les centrales d’achat ne tenaient plus compte de notre avis pour les commandes. Pour nous, ce sont les responsables directs » , accuse un des salariés de Surcouf.

Après un mois de débrayages, de distributions de tracts et de campement devant le magasin de l’avenue Daumesnil, dans le XIIe arrondissement de Paris, les salariés exigeant des conditions de départ plus favorables resteront sur le carreau. À l’issue du comité central d’entreprise, le 10 mai, la direction a justifié un « plan social sans suppression de postes puisque nous allons réembaucher pour compenser les départs » et a convaincu deux syndicats (CFTC et CFE-CGC) de donner un avis favorable… au licenciement des 174 salariés. Les élus CGT ont, pour leur part, annoncé leur intention d’aller en justice.

[^2]: Les salariés cités ont souhaité rester anonymes.

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