Touche pas à la neutralité du Net !

Christine Tréguier  • 6 mai 2010 abonné·es

On ne parle que de ça dans les e-salons branchés : qui veut la peau de la neutralité du net ? (voir le dossier paru dans Politis le 29 avril). L’Acta (le traité secrètement concocté par quelques mutinationales et États désireux d’étendre encore les droits de propriété sur les créations matérielles et immatérielles) va-t-il saper ce qui est la base même du réseau ? Autrement dit, mettre un terme à l’égalité d’accès pour tous les usagers, et de bande passante pour tous les contenus. L’enjeu est énorme, autant que les appétits des opérateurs et industriels qui s’y attaquent.

NKM vient de lancer une consultation publique. La sous-ministre du numérique découvre le sujet avec six ans de retard sur les Américains. On s’en réjouit quand même car les internautes vont pouvoir pallier l’inculture de nos hauts fonctionnaires. L’autorité des télécoms (Arcep) y va, elle aussi, de son colloque avec interviews vidéo d’experts. L’objectif est donné par le président de l’Arcep : « Internet est un bien collectif ; on peut en avoir une vision naïve ou une vision stratégique : réfléchissons-y ensemble. » Vision naïve = culture du libre et de l’échange, on voit bien. Mais que cache la « vision stratégique » d’un « bien collectif » ? Si elle s’inspire de la gestion d’autres biens collectifs comme la biodiversité, l’eau ou la pollution (un mal public plus qu’un bien), il y a de quoi être inquiet. Les instances internationales les ont fait entrer dans le marché et les ont flanqués de quotas et de droits de commercialisation qui font la fortune des opérateurs, privés bien sûr. Appliquée à Internet, cette gestion aboutirait vite à un réseau cyberoutier, avec des autoroutes à péage et quotas de passage pour les gros marchands de contenus, des avenues entretenues aux frais des boutiquiers, et des rues et ruelles gratuites mais à vitesse (débit) limité aux heures de pointe pour l’internaute lambda.

Du côté de la Quadrature du net et du réseau de militants européens qui sonne l’alerte depuis plus d’un an, c’est un plaidoyer proneutralité et un tir de barrage contre le Paquet Telecom, Acta, Hadopi and Co. Un rapport en ligne, « Garantir la neutralité du Net », en donne la définition et détaille ses bénéfices socio-économiques et les infractions liées à l’évolution technique des outils et des protocoles aussi bien qu’aux lois récentes restreignant les droits et usages. Il évoque les « pratiques raisonnables » de gestion du bien public, des entorses tolérées et strictement encadrées permettant de régler les congestions de trafic ou les soucis de sécurité. Le rapport pose enfin la question cruciale du financement des nouvelles infrastructures, le prétexte brandi par les partisans d’un Net à plusieurs vitesses, avant de conclure : « Pour garantir la survie d’un réseau neutre et interopérable, un espace public partagé, les pouvoirs publics doivent cantonner les opérateurs à leur rôle de transporteurs de données. » Et les obliger à respecter la confidentialité des données transportées. Bref, l’opposé de ce qu’a fait la France sarko-hadopiste.

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