Électricité verte

La convention nationale d’Europe Écologie a été marquée par
des tensions révélant deux visions opposées de l’avenir du mouvement.

Patrick Piro  et  Blandine Le Cain  • 10 juin 2010 abonné·es
Électricité verte

Ça devient une habitude : quand la pression monte entre les Verts et Europe Écologie, le duo Duflot-Cohn-Bendit monte en scène pour déminer le terrain. Ces deux-là jouent sur le même registre de la franchise verbale, et se professent un respect mutuel. Gageons qu’on retrouvera encore le numéro de la secrétaire nationale des Verts et du principal animateur d’Europe Écologie d’ici au grand rendez-vous de novembre, où le parti et le mouvement entendent décider de leur avenir commun.
C’était le sujet d’une convention nationale, tenue samedi dans la salle parisienne de la Cigale, en synthèse d’une série de rencontres régionales qui ont eu lieu en mai. Et l’ambiance était assurée par les pétards lancés dans la semaine par Jean-Vincent Placé, numéro deux des Verts, affirmant tour à tour que le processus de structuration d’Europe Écologie (EÉ) est « un bide total », et qu’il faut savoir si l’on préfère une vieille à l’image éthique (Eva Joly) à une jeune à l’image dynamique (Cécile Duflot) pour candidate écologiste à la présidentielle de 2012 [^2]. Dany s’emporte, exige qu’une future « charte d’éthique » puisse à l’avenir condamner de tels propos, traite Placé de « crétin ».

Depuis quelques semaines, les ténors d’Europe Écologie font en effet monter l’hypothèse Joly. Dès le lendemain des régionales, l’appel de Cohn-Bendit à constituer une « coopérative politique » où les Verts se fondraient avait agacé la direction du parti, texte renforcé par un document cosigné par une vingtaine de cadres d’EÉ et des Verts. Autant d’offensives qui ont pris de court le parti écologiste.

Placé, samedi dernier, a tenté de lui redonner la main. Absent pendant les débats, il réapparaissait en fin d’après-midi à la Cigale pour expliquer combien il trouvait Dany « insupportable » , en désaccord avec lui « sur la méthode et le fond » . « J’ai voulu tirer le signal d’alarme, car nous sommes en panne de dynamique : la structuration d’EÉ, ça n’intéresse pas grand-monde, l’important c’est la manière dont nous allons désigner notre candidat pour la présidentielle, avec une primaire écologiste ou non. De ce point de vue, le parti socialiste a repris un coup d’avance sur nous… »

L’atout Duflot et la force du parti constitué, contre les « coups » de Dany et le flou actuel de la mouvance EÉ : l’opération a les allures d’un rééquilibrage tactique. Yannick Jadot, de son côté, jugeait le « bide » annoncé par le numéro deux des Verts comme une perte de sang-froid. Europe Écologie, qui a ouvert depuis deux mois son guichet d’adhésions officielles, annonce 6 000 membres, et vise trois fois plus à la fin de l’année. Pour 2012, le député européen et porte-parole d’EÉ voit «  un mouvement écologiste unifié, avec un fort pouvoir de décision aux mains des militants ».

Il y a aussi de la méthode Coué dans cette vision encore bien lointaine. Mais Cécile Duflot sait que ce serait une erreur de paraître opposée à l’élan de la base, et elle a appelé samedi « tous les Verts à adhérer, sans exception, au processus Europe Écologie. Notre succès dépend de notre capacité à rester ensemble. Et quant à la forme que ce mouvement [doit] prendre, nous y parviendrons car nous n’avons pas d’autre choix ». Sa préférence va à un « parti-réseau », interagissant avec des interlocuteurs variés de la société « qui n’ont pas vocation à être en permanence en politique ». Avec des Verts en position de pivot ?

Ce n’est pas l’aspiration qui se dégageait de la synthèse des conventions régionales, présentées dans la matinée par Patrick Farbiaz, coauteur du programme d’Europe Écologie. Volonté forte des 3 000 participants : le mouvement doit rassembler le plus largement possible, conserver un ancrage local, éviter les lourdeurs et le centralisme d’un parti. «  La cooptation est la pire des choses » , déclarent les militants, qui défendent une désignation démocratique des candidats, une stricte parité femme-homme, un non-cumul des mandats dans le nombre et dans le temps, et le maintien de l’ouverture vers l’extérieur, qu’ils considèrent comme la force principale d’EÉ. Récurrent également, le refus de quotas entre candidats Verts et non-Verts, au profit de personnalités au plus près des enjeux électoraux de chaque scrutin. Prochaine étape de cette construction, pour les écologistes : les journées d’été, fin août.

[^2]: Un sondage Ifop (Ouest-France) les met au coude à coude auprès des Français.

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