C’est tout un art, l’occupation

Christine Tréguier  • 8 juillet 2010
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S’il est une chose dont la Coordination des intermittents et des précaires d’Île-de-France (CIP-IDF) ne manque pas, c’est d’occupation. Elle s’occupe des précaires et, avec elle, les précaires s’occupent. Depuis fin 2003, ils occupent le 14, quai de Charente (XIXe). Et lorsque la Mairie de Paris veut les en chasser ou que les ministères n’écoutent pas leurs doléances, ils s’occupent d’aller occuper d’autres lieux symboliques pour se faire entendre : le plateau de l’émission « L’Objet du scandale » pour le lancement de la grève des chômeurs (voir Politis n° 1100, du 29 avril 2010). Ou, le 3 mai, l’agence Pôle emploi de la porte des Lilas, où la haute direction devait se réunir. Les précaires s’étaient illico occupés des caisses de champagne livrées pour l’occasion.

La semaine dernière, c’est le toit de la Samaritaine qui était occupé. Et le maire adjoint à la Culture, Christophe Girard préoccupé. Est-ce l’attention portée à sa seconde fonction de directeur de la stratégie de la branche Maroquinerie/Mode de LVMH, mais il n’est pas venu les rejoindre. La raison de cette occupation impromptue?: la procédure d’expulsion lancée en novembre 2009 par la Semavip (une société d’économie mixte chargée de la requalification du quai de Charente), dont l’audience avait lieu le lendemain au tribunal d’instance de Paris. Pour les porte-parole de la CIP-IDF, ce tribunal est incompétent, et aucun des relogements proposés par la Mairie de Paris ne correspond au cahier des charges établi. Pourtant, les responsables municipaux disent s’occuper du dossier et jurent, main sur le cœur : « Le maire ne veut pas que vous soyez à la rue. » Ils s’obstinent depuis un an à leur proposer une ancienne cantine enclavée dans la cité Curial, qui engendrerait des conflits de voisinage à la moindre activité nocturne et obligerait la coordination, en contrepartie, à s’occuper d’animer le quartier. Pour la mairie, qui dit n’avoir aucune autre adresse disponible, l’accueil de spectacles ne fait pas partie des missions de l’association. Dans un communiqué publié après l’occupation de la Samaritaine, elle estimait que « le départ du 14, quai de la Charente est désormais indispensable pour le début du chantier. La Semavip a donc légitimement lancé les procédures nécessaires à la libération des lieux ». La mairie trouve-t-elle également légitime l’astreinte journalière demandée aux précaires, qui dépasse la coquette somme de 100 000 euros ?

Le jugement sera rendu le 17 septembre. En attendant, la CIP-IDF continue à occuper ses locaux, et s’occupe de ce pourquoi elle existe : défendre les intérêts des précaires. Avec succès, disent-ils. À chaque occupation d’une agence Pôle emploi, ils obtiennent le règlement de dossiers litigieux, l’abandon du remboursement des indus par exemple. « Le chômeur y va seul, il n’arrive à rien, on débarque à plusieurs, et ça devient possible, souligne l’un des porte-parole, Jean Francis. Il n’y a pas que nous qui puissions agir, l’important, c’est que plus de gens le sachent et le fassent. » Durant l’été, donc, les occupations continuent…

La pétition « Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde » retrace la genèse de la CIP
et ses activités.

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