L’été sera chaud… et pollué

Tandis que la médiocre qualité de l’air continue de faire des victimes, Roselyne Bachelot dispense des conseils dérisoires dans les maisons de retraite.

Claude-Marie Vadrot  • 15 juillet 2010 abonné·es

Au ministère de l’Écologie, dont il ne faut plus oublier qu’il abrite celui des transports, la consigne formelle est d’évoquer le moins possible les pollutions liées à la chaleur. Les préfets sont priés, par instructions confidentielles, d’en faire le moins possible, de rester discrets, de « se concentrer sur les vieux et les enfants » . Il ne faut pas être anxiogène en cette période de vacances, ni énerver les automobilistes, les routiers ou les industriels ; notamment dans les Bouches-du-Rhône, qui comptent une cinquantaine d’alertes à la pollution par an. Christian Estrosi, ministre de l’Industrie, a donné des conseils de modération : pour cette région et d’autres, on fiche la paix aux usines, chaleur ou pas.

Car cet été, il a fait chaud, il fait toujours chaud et il fera encore chaud. Politis n’a pas capturé une grenouille mais lu le site estival de Météo France : « En métropole, les températures moyennes devraient être supérieures aux normales saisonnières, avec des cumuls de précipitations inférieurs aux normales saisonnières. » Cette prévision avait déjà été faite en mai, et Jean-Pierre Céron, directeur adjoint de la climatologie, va répétant que « tous les modèles disent depuis des semaines que l’été sera au-dessus des normes de saison »  ; il confirme que l’été sera « à la fois chaud et sec » , mais souligne que les prévisions à moyen terme doivent encore gagner en fiabilité. Une analyse qui confirme les observations des centres météo des pays européens, notamment ceux qui travaillent pour l’agriculture intensive. Ni les uns ni les autres ne prononcent le mot « canicule », qui exprime un faible différentiel de température entre le jour et la nuit. Il n’y a guère que Roselyne Bachelot qui confonde canicule et grosses chaleurs avec autant de compétence qu’elle a pris le virus H1N1 pour une catastrophe sanitaire. Elle illustre l’habituelle compassion caniculaire, avec visites émues de maisons de retraite et injonctions aux personnes âgées, aux asthmatiques et aux enfants de marcher à l’ombre.

Ce numéro fait l’impasse sur ce qui, en 2003, a beaucoup compté dans la surmortalité : les pollutions. Qu’il s’agisse d’ozone, de dioxyde de ­soufre ou des particules accumulées, les épisodes de chaleur aggravent toujours la pollution de fond. Ces éléments qui attaquent les yeux, les bronches et tout le système respiratoire ont été et sont encore très présents en Alsace, en Lorraine, en Provence-Côte-d’Azur, en Franche-Comté, en Languedoc-Roussillon et en Île-de-France, parfois loin de l’espace urbain. Ils se concentreront encore au cours de l’été. Avec leur cortège de mesures dérisoires : les conseils de Mme Bachelot, les consignes aux industriels de diminuer leurs rejets, rarement suivies et jamais vérifiées. Sans oublier la mesure phare adressée aux automobilistes : rouler moins vite. Vingt ou trente ­kilo­mètres à l’heure en dessous de « la vitesse habituelle » selon les préfets. ­L’article R411-19 du code de la route prévoit cette infraction temporaire, passible d’une contravention de 22 ou 35 euros, mais qui ne peut être constatée par les radars fixes, faute de réglage en temps utile. Elle n’est de toute façon jamais sanctionnée.

Alors que les pollutions permanentes de l’air sont aggravées par les épisodes de chaleur, rien n’a changé depuis l’été torride de 2003 ; un an plus tard, l’Agence française de sécurité environnementale avait publié un rapport expliquant que la pollution de l’air entraînait entre 6 500 et 9 000 décès par an. Ce qui complétait l’affirmation, dès septembre 2003, de Jean-Félix Bernard, alors président du Conseil national de l’air, qu’il fallait estimer à au moins 6 000 le nombre des morts de la canicule qui avaient en réalité été victimes des pollutions.
Il ne faut pas oublier non plus les effets ravageurs des « îlots de chaleur » qui se forment en ville, en général dans les quartiers les plus denses en ­immeubles neufs et population, et pauvres en espaces verts. Dans ces îlots, les températures peuvent être de 3 à 8 °C supérieures aux chiffres officiels de Météo France, surtout la nuit, et la pollution deux à trois fois plus concentrée que dans le reste de la ville.

Écologie
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