Pourquoi la critique ?

Dans « Je t’aime…
Moi non plus », Maria de Medeiros s’est intéressée
aux rapports de la critique avec les cinéastes.

Christophe Kantcheff  • 8 juillet 2010 abonné·es

Quelle mouche a piqué Maria de Medeiros pour qu’elle ­consacre un film à la critique ? La critique (ici de cinéma) est suffisamment méprisée, et en voie d’extinction, pour que Je t’aime… Moi non plus soit salué d’emblée. Maria de Medeiros, comédienne et réalisatrice,
s’est intéressée aux relations entre cinéastes et critiques, réputées ambiguës ou carrément mauvaises. C’est ainsi qu’elle a interviewé des cinéastes d’un côté (Pedro Almodovar, Manoel de Oliveira, Wim Wenders, David Cronenberg, Atom Egoyan, Elia Suleiman…) et des critiques de l’autre, français, américains, espagnols ou brésiliens : Gérard Lefort, Serge Kaganski, Carlos Boyero, Kenneth Duran, Léon Kakoff… Des interviews qui datent d’il y a près d’une dizaine d’années. Le film est très monté, avec de nombreuses courtes séquences, autour de thématiques dont certaines s’imposent d’elles-mêmes (« Qu’est-ce qu’une bonne critique ? »), mais qui pour d’autres relèvent seulement de l’anecdote (« La phrase la plus vache écrite sur un de vos films »).

Conçu ainsi, Je t’aime… Moi non plus n’échappe pas à un certain nombre de lieux communs sur la critique, et plus encore sur les critiques, vus tour à tour comme des parasites, des frustrés, des présomptueux, des cinéastes manqués… Il est dommage également que les conditions de production du geste critique ne soit jamais considérées (quelle place occupe
la critique dans le journalisme aujourd’hui ?), ni ce qu’il comporte d’enjeux vis-à-vis des lecteurs, c’est-à-dire des spectateurs.

Cela dit, le film contient des propos plus saillants que d’autres, de la part de cinéastes notamment, et c’est tout l’intérêt du DVD que de proposer en complément les interviews intégrales de quelques-uns d’entre eux.
Ainsi, Elia Suleiman, David Cronenberg et Wim Wenders expliquent en quoi la promotion s’est largement substituée à la critique. Manoel de Oliveira, pour qui un film n’est pas terminé avant que celui-ci ait eu son premier spectateur, « qui va achever le film » , expose le rôle que la critique devrait tenir à ses yeux : « révéler les parties obscures, cachées, plus profondes et moins lisibles d’un film » . Tandis que Wim Wenders caractérise une bonne critique par ces mots : « Ce n’est pas une opinion. C’est le récit de l’expérience que quelqu’un a eue avec un film. Si, en lisant son texte, je ressens que le critique a vécu quelque chose en voyant le film, alors il m’intéresse. » « J’ai une très haute opinion de la critique, ajoute l’auteur des Ailes du désir. J’attends qu’elle rapproche le film de son public. » Considérée de telle sorte, la critique est un art difficile.

Culture
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