Un été à l’ombre des murs

Christine Tréguier  • 22 juillet 2010 abonné·es

Pour ce dernier « De quels droits ? » de l’été, j’aurai une pensée pour tous ceux qui n’ont pas droit aux plaisirs et aux dépenses plus ou moins futiles de la grande migration estivale. Pour ceux qui n’ont pas les moyens, et ils sont nombreux, de quitter les murs de leur quotidien. Selon l’Observatoire des inégalités, 33 % des foyers disposant de revenus entre 900 et 1 500 euros sont partis en 2009, contre 64 à 80 % pour ceux dont les revenus sont supérieurs à 2 300 euros. Le taux de départ des familles modestes baisse, il est passé de 46 à 32 % entre 1998 et 2009.

Derrière les murs des prisons, ils sont 60 000 à 70 000 pour un parc pénitentiaire de 54 988 places opérationnelles, dixit l’administration. Et ce ne sont pas les nouveaux établissements privés qui vont améliorer le sort des prisonniers. Ils n’y seront jamais que des nombres dans les colonnes des tableurs du propriétaire des lieux (Bouygues, Vinci et les autres), avec, pour chacun, dans la colonne « recettes » des chiffres bien gras : versement par l’État d’une « pension journalière complète », les dépenses de « cantine » des prisonniers (les prix sont en moyenne multipliés par 4 par rapport à ceux de l’extérieur), tandis que les revenus du travail carcéral seront laissés à la discrétion de l’opérateur de la prison. Les malades qui s’égarent en ces lieux, ou ceux que ces lieux rendent dingues, en sont eux aussi pour leurs frais. Non qu’on leur fasse payer
les rares soins dispensés – on sait l’administration généreuse en neuroleptiques et antidépresseurs – mais on leur fait payer leur fragilité. En juin dernier, un jeune « adulte handicapé » (taux d’incapacité entre 50 et 79 %, en raison de troubles psychiques) détenu au centre pénitentiaire de Longuenesse a été hospitalisé d’office sur arrêté préfectoral dans le service de psychiatrie du centre hospitalier de Lens. Il a passé deux semaines attaché à son lit, sous l’œil d’une caméra, derrière une double porte fermant à clé. Le remède de la pénitentiaire pour qu’il se sente mieux et retrouve sa dignité de prisonnier, sans doute.

Aurait-il été mieux traité derrière les murs d’un établissement psychiatrique ? Leur nombre ne cesse de régresser, et ils hébergent des malades toujours plus nombreux. La faute à la société telle qu’elle ne va pas, et bientôt au nouveau projet de loi mitonné par Roselyne Bachelot à la demande de Nicolas Sarkozy. Celui-ci prévoit des « gardes à vue » psychiatriques de 72 heures et des « soins sans consentement ». Sans parler de la rétention de sûreté qui s’appliquera à tous les malades incarcérés en fin de peine si les psychiatres et l’administration les jugent irrécupérables, ni des nouveaux fichiers psys qui conserveront un historique médical faisant d’eux d’éternels coupables potentiels.

Derniers murs, ceux des centres de rétention, où l’été va être long et chaud pour toutes celles et tous ceux qui espéraient trouver en France non pas un paradis, mais un territoire où la vie soit un peu plus décente. Ils auront le temps de pleurer un droit aujourd’hui perdu, celui pour chaque être humain de se déplacer et de s’installer où il le souhaite.

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