L’appel du profit

Teleperformance, numéro un mondial des centres d’appels, veut supprimer un poste sur trois en France, pour augmenter sa rentabilité.

Thierry Brun  • 9 septembre 2010 abonné·es

Fi des rodomontades gouvernementales contre les délocalisations de centres d’appels. Les affaires passent avant tout. Le numéro un mondial des sociétés de centres d’appels externes, Teleperformance, s’apprête à une « destruction massive d’emplois » en France, si l’on en croit le récent communiqué de la fédération SUD-PTT et celui de l’intersyndicale CFDT, CFTC, CGT, FO et SUD, qui parle d’ « hécatombe » et demande « l’arrêt immédiat » du plan social annoncé en juillet. Au total, près d’un emploi sur trois doit disparaître, ­quatre ­centres (Rennes, Pantin, Tours et Marseille) fermeront leurs portes, tandis que ­quatre autres (Lyon, Orléans, Le Mans et Toulouse) seront regroupés, indique le projet que la direction a transmis au comité central d’entreprise de Teleperformance.

On est loin des propos rassurants du groupe, qui avait revu sa copie à la baisse – 689 postes supprimés au lieu des 834 initialement prévus – après les déclarations de guerre du gouvernement contre les délocalisations de centres d’appels. Le nouveau PDG, Jean-Hervé Jenn, avait été convoqué par Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi, après avoir menacé le gouvernement : « Une remise en cause du plan de restructuration […] n’aurait qu’une conséquence : la fermeture de l’activité en France. »
Depuis, la direction de Teleperformance poursuit en catimini une réduction de ses effectifs en France (7 000 salariés) au motif d’une perte de 36 millions d’euros pour l’année 2009. «  ­Tele­performance veut faire payer son “modèle économique” aux salariés français avec la complicité bienveillante des donneurs d’ordre, juste pour “sauvegarder la compétitivité” du groupe coté à la Bourse de Paris, qui fait encore 88 millions de bénéfices en 2009 » , souligne SUD, qui rappelle que la réduction des sites en France s’accompagne du maintien de cinq centres en Tunisie et de la création d’un nouveau au Maroc, «  avec l’objectif de recruter 1 000 salariés pour 2011 ».

Surtout, la direction entretient l’opacité sur sa situation financière et sur ses délocalisations, au point que « la direction n’a communiqué aucun des documents demandés par l’expert » du cabinet Apex, dans les délais prévus par la loi pour établir un rapport, relève SUD-PTT. À la suite du dernier plan social, Teleperformance a été assigné en référé à Paris, « car l’activité qui a été délocalisée en Turquie ne se retrouve pas dans la comptabilité », ajoute Abdou Keita (CFTC), secrétaire du comité d’établissement centre-est.

Le fort mouvement de délocalisation des centres d’appels s’accompagne aussi d’une politique d’acquisition d’entreprises, notamment aux États-Unis, en Écosse et en Turquie pour la seule année 2010. « C’est un modèle pour ramasser de l’argent, une machine à cash ! » , déplore Joël Manceron, délégué syndical central du syndicat SUD. La sauvegarde des profits du numéro un mondial s’est traduite par une constante augmentation des dividendes versés aux actionnaires de Teleperformance, dont Serge Dassault, sénateur UMP, l’un des principaux actionnaires du groupe. « Depuis vingt ans, ces dividendes ont augmenté chaque année de 10 à 20 % ! » , pointe la CGT. Et le conseil de surveillance, dont Philippe Dominati, sénateur UMP de Paris, est vice-président, n’y trouve rien à redire.

Le groupe a désormais pour ambition de décrocher les marchés de l’État. Déjà présent dans les services de renseignements sur les impôts, Teleperformance convoite un contrat de sous-traitance avec Pôle emploi. « Futurs inscrits à ce Pôle emploi, nous avons du mal à comprendre qu’une même société puisse délocaliser ses emplois à l’étranger (en l’occurrence au Maroc) et dans le même temps postuler auprès d’un service de l’État français afin de décrocher un contrat fort “juteux” » , a réagi un comité de résistance des salariés de Teleperformance. Qu’en pense le gouvernement ?

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