Les jeunes attendus au tournant

Les syndicats lycéens et étudiants se disent mobilisés contre la réforme,
mais, rentrée oblige, la campagne d’information débute à peine.

Noëlle Guillon  • 30 septembre 2010 abonné·es

Le spectre de la mobilisation des jeunes, avec des mouvements spontanés et incontrôlables, effraie le pouvoir. Mais la bataille contre la réforme des retraites n’est pas celle du CPE. Conscients des enjeux – 81% des 18-24 ans soutiennent le mouvement, selon un sondage Ifop du 12 septembre –, les jeunes doivent encore prouver leur capacité à se mobiliser. Ce constat a été fait après la journée d’action du 23 septembre. Jean-Baptiste Prévost, président de l’Unef, premier syndicat étudiant, a relevé « de gros cortèges de lycéens et d’étudiants, plus que le 7 septembre ». Ils étaient 30 000 en France selon l’organisation, 1 500 jeunes à Paris contre 1 000 le 7 septembre. Pour ne pas en rester là, les lycéens de l’UNL et de la Fidl, ainsi que les étudiants de l’Unef ont appelé à participer aux mobilisations des 2 et 12 octobre. Et même si certaines universités ne font leur rentrée que début octobre, l’Unef invite les étudiants à « se réunir en assemblées générales […] afin de convaincre les jeunes de la nécessité de se mobiliser ».

Un collectif regroupant 25 organisations, « La retraite, une affaire de jeunes ! », a vu le jour, pour la première fois depuis le CPE. Son mot d’ordre : le retrait d’un projet qui inflige une double peine aux jeunes. L’allongement de la durée d’études, avec une entrée dans le monde du travail à 27 ans en moyenne, signifie une retraite à 68 ans. À court terme, les jeunes craignent une concurrence encore plus grande pour l’emploi entre eux et les seniors.

Pour Aurélien Boudon, de SUD-­Étudiants, « les jeunes ne sont pas dupes de cette réforme faite prétendument en leur nom ». Sorayah Mechtouh, présidente de la section locale de l’Unef à Paris-VIII, se félicite de la dynamique locale : « Alors que la rentrée n’a lieu que le 11 octobre, les réunions de prérentrée ont incité des jeunes non encartés à venir manifester. » Croisés au détour du cortège, Léo Blouch et sa vingtaine de camarades du lycée Paul-Robert, dans le 93, parlent de la difficulté d’intéresser les plus jeunes. « Nous ne sommes pas convaincus par les points de vue trop arrêtés de la Fidl ou de l’UNL. Mais nous avons des convictions politiques à partager, et nous essayons de faire des assemblées générales dans le lycée. » Julia, Élise ou Florent, étudiants en lettres non encartés, espèrent un mouvement plus « dur et radical. Le CPE a fonctionné car c’était sauvage ».

Mais, pour un soulèvement, il faut une envie large d’en découdre. Un objectif encore loin d’être atteint. « En dehors des partis politiques et des syndicats, les jeunes se sentent peu concernés. Il y a un gros travail de conscientisation à faire à la rentrée » , reconnaît Romain Jammes, militant du Parti de gauche, membre du collectif. Luc Chauvin est étudiant en sciences politiques à Lyon, travaille en tant qu’auto-entrepreneur (taxi à vélo) et n’est pas encarté : « Je ne me projette pas encore dans mon avenir professionnel, même si je travaille pour mes études. Mais je me bats pour des raisons idéologiques. Les jeunes ont très peu de conscience politique, d’où une mobilisation molle. »

À côté des jeunes qui s’éloignent de l’action, il y a ceux qui voudraient s’engager mais ne le peuvent pas. « Les jeunes travailleurs précaires, qui ont commencé à travailler très tôt, sont particulièrement interpellés. Mais, manifester, c’est s’exposer à se trouver sur une liste noire, ne pas voir son CDD renouvelé, dans un contexte de droit du travail qui ne les protège pas. Ces jeunes se mobiliseront uniquement s’il y a radicalisation », déplore Stéphane Haar, président de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).
Et si quelques jeunes enseignants ont, eux, choisi la voie de la grève reconductible, comme cela a été le cas dans le Cantal et en Creuse le 24, les syndicats étudiants la rejettent… pour le moment. « Nous n’avons pas la force de mener des actions seuls. Il faut être unitaire avec l’intersyndicale. D’autres actions seront peut-être décidées après le 12 octobre » , explique Aurélien Boudon. L’Unef se félicite de l’inscription de la mobilisation sur un temps long, qui devrait permettre, selon elle, de donner plus d’espace aux jeunes. En tout état de cause, une fois la rentrée vraiment actée, le premier vrai test sera le 12 octobre.

Publié dans le dossier
Mobilisation : quitte ou double ?
Temps de lecture : 4 minutes