Les Na’vi ont gagné

Après des années de lutte, le projet minier du géant Vedanta, qui menaçait une tribu isolée, est arrêté.

Patrick Piro  • 2 septembre 2010 abonné·es

L’association Survival International décrit la victoire comme « stupéfiante »  : le gouvernement indien a mis un point d’arrêt, la semaine dernière, au projet de mine de bauxite de la multinationale Vedanta. Il consistait à étêter sur 7 km2 la montagne Niyamgiri, dans l’État d’Odisha (ex-Orissa), pour y extraire 17 millions de tonnes de minerai destinées à alimenter une raffinerie d’aluminium dans la plaine, au prix d’un investissement de 2,7 milliards de dollars. Au-delà des considérables dégâts écologiques attendus, c’est la survie des 8 000 membres de la tribu locale des Dongria Kondh qui était en balance.

Vedanta attendait le feu vert depuis 2005. Mais son projet, devenu l’un des plus controversés au monde, était la cible d’associations écologistes et de défense des peuples autochtones, critiqué par les gouvernements norvégien et britannique, ou encore l’Église d’Angleterre. Survival International, en première ligne d’une campagne de soutien à la tribu, avait tiré parti avec un certain succès de la sortie d’ Avatar , l’an dernier, pour faire un parallèle entre le sort des Dongria Kondh et celui des Na’vi, dans le film du réalisateur James Cameron.

La décision indienne est ­remarquable à plus d’un titre. Tout d’abord, elle entrave le développement du deuxième producteur d’aluminium du pays, qui pèse huit milliards de dollars. Ensuite, la firme avait obtenu le soutien direct du Premier ministre, qui avait demandé au ministère de l’Environnement, dont la signature est impérative, d’approuver le projet. Or, ce dernier n’a pas obtempéré, s’en tenant aux conclusions édifiantes de plusieurs rapports : l’exploitation violerait les lois environnementales du pays, mais aussi les droits des populations autochtones. Cette dernière argumentation est beaucoup plus inusitée.

La tribu dépend entièrement des ressources de la forêt, et considère la montagne Niyamgiri comme sacrée. Sa destruction mettrait donc en péril la survie des Dongria Kondh, a justifié le ministre de l’Environnement, « choqué » par le « mépris flagrant » manifesté par la firme envers eux. Vedanta, déjà sommée par la Cour suprême indienne de revoir sa copie en 2007, affirmait pourtant vouloir replanter des arbres en fin d’exploitation et créer des emplois dans la région.
Des engagements jugés bien peu convaincants au regard de nombreuses violations des normes sociales et environnementales relevées dans l’histoire de la firme, ainsi que des preuves de corruption de fonctionnaires, concernant notamment la légalité de l’énorme raffinerie d’aluminium qui devait recevoir la bauxite de Niyamgiri.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes