Exiger l’application du droit par Israël

Michèle Sibony, coprésidente de l’UJFP*, s’insurge contre les procès engagés contre plusieurs militants du mouvement de solidarité avec la Palestine et commandés par la garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie.

Michèle Sibony  • 7 octobre 2010 abonné·es

Les associations du mouvement de solidarité français ont répondu à l’appel de la campagne Boycott Désinvestissement et Sanctions (BDS) lancé par la société civile palestinienne en 2005. La complicité des gouvernements européens, et tout particulièrement du gouvernement français, qui, tout en refusant d’appliquer les sanctions requises par les accords européens, renforcent leurs liens commerciaux industriels militaires, culturels avec la puissance occupante, place aujourd’hui tous les citoyens devant leurs responsabilités. Exiger que le droit s’applique à Israël comme à tout autre État, faire pression sur nos gouvernements pour obtenir qu’ils appliquent le droit avec les sanctions prévues par la législation européenne, arrêter de consommer des produits israéliens entrant en toute illégalité en Europe et bénéficiant de dédouanements indus sont aujourd’hui une revendication politique légitime et citoyenne […].

L’appel au boycott citoyen des productions agricoles, industrielles, culturelles et militaires issues de ce régime jusqu’à ce qu’il respecte le droit, tous les droits auxquels se réfèrent les nations démocratiques, n’a à l’évidence rien à voir avec les poursuites intentées contre les militants pour « incitation à la haine raciale ». Nombre des associations impliquées dans le BDS ont connu l’époque du boycott de l’Afrique du Sud en France, pour lequel aucun militant n’avait été poursuivi. Pourquoi aujourd’hui et avec Israël ? Le boycott de l’Afrique du Sud a aidé cet État à changer de nature, et à devenir celui de tous ses citoyens. Incitation à la haine raciale ? Plutôt collusion scélérate du gouvernement français avec le régime israélien. […]

Esther Benbassa résumait ainsi la nouvelle définition de l’antisémite imposée par ces serviteurs d’Israël qui venaient d’obtenir la condamnation pour antisémitisme d’Edgar Morin : « Le nouvel “antisémite” n’est plus celui qui hait le juif, mais le juif démocrate incapable de fermer les yeux sur le sort quotidien des Palestiniens placés sous occupation israélienne […]. » ( Le Monde diplomatique , oct. 2005.) Il s’agit bien aujourd’hui d’étendre cette infamante accusation d’antisémitisme non pas aux citoyens de toutes origines qui haïssent les juifs, mais à tous ceux qui refusent de fermer les yeux sur l’étranglement et le démantèlement de la Palestine […].

Par le refus des sanctions, la complicité du silence et aujourd’hui la répression de la solidarité civile, [la France] cautionne la politique du pire israélienne en garantissant à cet État de faire la chasse aux boycotteurs […].
Pourtant, le bilan est simple et les faits vérifiables. Aucun produit israélien n’entre légalement en Europe aujourd’hui, au regard des accords d’association signés entre Israël et l’Europe : ceux des colonies, puisque fabriqués hors du territoire israélien tel que défini dans cet accord […], et ceux d’Israël même, puisqu’en violation de l’article 2 de l’accord d’association qui conditionne la totalité de l’accord au respect des droits humains […].
Mais qui est poursuivi et traduit devant des tribunaux, mis en examen pour incitation à la haine raciale ?

Les citoyens qui ne supportent plus, n’admettent plus l’hypocrisie et le mensonge érigés en vérités, le déni de droit, en règle générale, et qui les combattent publiquement avec un outil pacifiste qui a fait ses preuves dans d’autres luttes. Celle des droits civiques aux États-Unis, comme celle contre l’apartheid sud-africain, et celles des peuples colonisés pour leur indépendance. Il n’est pourtant pas difficile de faire le lien avec cette cause, sauf à refuser l’évidence.

S’il s’agit d’informer le public souvent peu méfiant parce que désinformé sur les produits israéliens, d’expliquer les conditions de leur production, d’interpeller les distributeurs sur les produits illégaux, il s’agit clairement aussi d’inquiéter Israël, oui, de l’inquiéter, quel délit ! De lui faire sentir qu’il peut avoir à payer le prix de sa politique, par l’isolement et le rejet […].
Se battre pour qu’Israël fasse le bon choix n’est pas un crime ni un délit ; quoi qu’il arrive, cela apparaîtra comme une action éthique et digne. Nous devons défendre nos concitoyens attaqués  contre l’arbitraire de procès politiques à courte vue, contre une justice instrumentalisée au service d’un État qui devrait être internationalement poursuivi et sanctionné.

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