Ignorer les fraises en hiver

Claude-Marie Vadrot  • 21 octobre 2010 abonné·es

Que faire ?

Refuser obstinément d’acheter des légumes et des fruits hors saison. Les pêches ne poussent pas plus en hiver que les cerises, les concombres, les framboises ou les courgettes. La mondialisation et la grande distribution essayent de nous convaincre depuis une quinzaine d’années que tout est désormais possible, et qu’il serait naturel que les tomates ramènent désormais leur fraise en janvier. Objectif : nous persuader de consommer n’importe quoi à n’importe quel moment de l’année. En tablant sur la propension des citadins à oublier les saisons et à croire, comme la météo radio ou télévisuelle nous le serine, que le beau temps, c’est le soleil, et que la pluie est à déplorer.

« Y a plus de saisons » , se plaignaient déjà nos parents en attribuant cette disparition supposée à la bombe atomique ou aux satellites. En attendant le chambardement climatique, qui ne progresse que lentement, le seul endroit d’où les saisons ont disparu comme par miracle, ce sont les gondoles des grandes surfaces où les pommes (parfois bios, un comble !) débarquent d’Argentine à la fin du printemps. Il suffit d’observer les provenances pour se rendre compte que les grosses légumes de la distribution nous mènent en bateau, et le plus souvent en avion.

Pourquoi ?

Parce que l’importation annuelle de 100 000 tonnes de fraises hivernales
du sud de l’Espagne, du Maroc ou d’Égypte, de milliers de tonnes de tomates cerises du Kenya ou du Sénégal, de raisin sud-africain, de tomates de Chine ou d’Israël, on en passe et pas des meilleurs, entraîne un gaspillage d’énergie et des émissions de gaz carbonique. Que les transports se fassent en camion ou en avion. Parce que la plus grande partie des fruits et légumes cultivés au loin et offerts en dehors de leur saison française sont produits dans des conditions sociales désastreuses
pour les salariés du Sud.

Parce que la production se fait aux dépens des cultures vivrières locales et que le recours aux pesticides dangereux est la norme. Les consommateurs doivent aider à la sauvegarde des paysans français, dont certains sont réduits en esclavage financier par les circuits de distribution délocalisant de plus en plus leur approvisionnement agricole. Sans oublier que la plupart de ces produits hors saison sont franchement infects et pervertissent notre sens du goût. Il suffit d’explorer un manuel ou une revue de jardinage, ou les paniers d’une Amap, pour effectuer chaque mois le choix des fruits et des légumes de saison, ce qui permet d’être certain qu’ils ne viennent pas de trop loin.

Comment ?

  • En mangeant du chou-fleur plutôt que des courgettes en hiver.

  • En demandant la provenance quand l’ardoise est aussi mal écrite que possible
    (même si le décret 2010-109 du 29 janvier 2010 a rendu obligatoire la mention de l’origine des fruits et légumes dans les mêmes caractères que ceux indiquant le prix).

  • www.rustica.fr, rubrique recettes fruits et légumes de saison ; www.fruits-légumes.org

Le geste utile
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