Ils l’ont dit dans Politis…

Le vrai débat d’enjeux sur les retraites, nous l’avons mené dans nos colonnes, sous la plume de Jean-Marie Harribey, Christophe Ramaux ou Pierre Khalfa, et quelques autres…

Noëlle Guillon  • 7 octobre 2010 abonné·es

Le patronat n’a pas pu s’empêcher de jubiler dans la presse. « Un premier pas a été fait puisque l’on peut maintenant continuer à travailler, si on le veut, jusqu’à 70 ans. Pourquoi ne pas donner une liberté totale ? » , se réjouissait ainsi Claude Bébéar, dirigeant de la compagnie Axa dans les Échos du 16 avril. Mais a-t-on assisté à un vrai débat d’enjeux sur les retraites ? Cécile Duflot l’appelait de ses vœux dans le Journal du dimanche du 30 mai : « La question des retraites n’est pas un débat technique, c’est un débat de société. Il faudra parler des temps de vie, de la répartition entre les temps de scolarité, de formation, de travail et de retraite. » Force est de constater que les discussions techniques l’ont emporté.

Dans les colonnes de Politis, des intellectuels ont lancé ce débat. Le collectif national « Faire entendre les exigences citoyennes sur les retraites » pointait le « droit humain fondamental » en jeu, « celui de pouvoir jouir en bonne santé des meilleures années qui restent à vivre tout en se livrant à des activités hors de toute subordination » (Politis du 9 septembre).
Des propos développés par Jean-Marie Harribey (Politis du 24 juin). « Derrière les retraites, ce qui est en jeu, c’est la place du travail et du temps libéré de la vie, la place des travailleurs et des retraités, à qui il n’est reconnu que le devoir d’exister comme subordonnés à l’exigence du capital » .

L’économiste y fustigeait la commission européenne qui « prépare un Livre vert sur les retraites qui recommandera de relever l’âge de départ à la retraite pour que les individus ne passent pas plus d’un tiers de leur vie d’adulte en retraite. On n’en attendait pas moins d’une Commission qui a toujours dans ses tiroirs le projet d’augmenter la durée hebdomadaire du travail jusqu’à 65 heures » . Selon lui, c’est tout un projet de société qu’il faut réévaluer. « Ce qui est en jeu aussi, c’est le type de développement humain qui est promu : à la nouvelle contre-réforme des retraites correspond un modèle d’où est exclue la possibilité d’utiliser les gains de productivité pour réduire la durée du travail et gagner du temps libre, et dans lequel la société est vouée à jamais au productivisme » . Ce que le collectif national des exigences citoyennes concevait comme le « délitement du tissu social par la désaffiliation progressive des individus à la collectivité » .

Christophe Ramaux, maître de conférence à Paris-1, imputait cette désaffiliation au catastrophisme autour du déficit des régimes de retraite, arme selon lui du libéralisme (Politis du 17 juin). « La peur incite au repli sur soi. Ce qui vaut en général vaut pour les retraites. Les études montrent ainsi que les jeunes, très majoritairement, ne croient plus à la retraite publique pour assurer leurs vieux jours. Une belle victoire intellectuelle du libéralisme qui risque concrètement d’encourager la capitalisation » . Contre le risque d’individualisme, Jean-Marie Harribey, défend encore une certaine vision de la « socialisation de la richesse » . « En mutualisant le paiement des services non-marchands et celui de la protection sociale, la collectivité socialise une part de la valeur ajoutée dans l’ensemble de l’économie. La défense des retraites représente le même enjeu que celui de l’éducation ou de la santé publiques. La socialisation de la richesse marque un bornage strict de la sphère de la marchandise où s’impose la loi du profit. »

Pour Pierre Khalfa, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires et membre du conseil scientifique d’Attac, « le problème est de savoir si, aujourd’hui, on accepte de ­remettre en cause le partage de la valeur ajoutée » . (Politis du 27 mai). Et cela ne peut se faire sans une réflexion sur le sens de cette valeur ajoutée. « Les gains de productivité ne signifient pas nécessairement un stress accru au travail : ils résultent avant tout des innovations technologiques. La bonne question à poser est celle du contenu de la croissance » , estimait quant à lui Christophe Ramaux. Selon Jean-Marie Harribey, « l’opposition croissance/décroissance peut être dépassée si des investissements répondant aux besoins sociaux et écologiques permettent d’obtenir un PIB monétaire de qualité et dont l’augmentation n’est pas nécessairement synonyme de productivisme » . Et de finalement s’interroger : « C’est à se demander si, voulant trouver une “solution démographique” à un problème qui ne l’est pas, on ne cherche pas en haut lieu à interrompre la tendance à l’allongement de l’espérance de vie. »

Publié dans le dossier
L'histoire d'une incroyable machination
Temps de lecture : 4 minutes