Le bon choix des Nobel

On ne peut qu’applaudir la remise du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo, et le combat pour la libération de ce professeur dissident doit se poursuivre.

Denis Sieffert  • 14 octobre 2010 abonné·es

Le combat pour les Droits de l’homme face à des régimes autoritaires est rarement dépourvu d’ambivalence. Il arrive souvent que la démocratie soit le fourrier du libéralisme économique, voire du nationalisme. Il arrive aussi que les héros d’un jour se révèlent, une fois libres, de fieffés oppresseurs. Walesa n’a été, quand il a accédé au pouvoir en Pologne, ni un exemple de démocratie ni un modèle de progressisme. Et on ne parlera pas ici de Nathan Chtcharanski, pour lequel nous nous sommes battus pour qu’il échappe à ses geôliers staliniens, avant qu’il ne devienne le plus raciste des ministres israéliens face à la question palestinienne. Nul ne sait ce que deviendrait Liu Xiaobo, le dissident chinois distingué par les jurés du Nobel, s’il avait un jour une parcelle de pouvoir.

Mais le combat pour la libération de ce professeur de 54 ans et de ses amis, auteurs de la « Charte 08 », ne tolère ni les restrictions mentales ni les regrets. Il faut donc applaudir le choix des Nobel. D’autant plus que Liu Xiaobo n’a pas manqué de se rattacher au grand mouvement de protestation de la place Tianamen, en juin 1989, et de se réclamer de l’héritage de ceux qui ont perdu la vie en faisant face aux chars de Yang Shangkun et de Deng Xiaoping. L’évocation de ce dernier nom est là pour rappeler que la Chine autoritaire n’a pas attendu pour cultiver l’ambiguïté de l’exploitation du thème des droits de l’homme.

C’est Deng qui a poussé le plus loin cette association entre un libéralisme sauvage et une dictature politique. Cette page (voir ci-dessus l’analyse de Dominique Plihon) illustre bien la complexité du problème. C’est cette Chine ardemment impliquée dans la mondialisation financière qui continue d’emprisonner ses opposants politiques. Le combat pour la libération de Liu Xiaobo est totalement le nôtre.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« La Syrie sous Assad était un régime du silence »
Entretien 8 décembre 2025 abonné·es

« La Syrie sous Assad était un régime du silence »

Un an jour pour jour après la chute du régime de Bachar Al-Assad, Arthur Sarradin, journaliste et écrivain, revient sur les traumatismes d’une Syrie effondrée après quatorze années de guerre civile.
Par William Jean
En Syrie, le récit des survivantes de l’enfer carcéral
Syrie 8 décembre 2025 abonné·es

En Syrie, le récit des survivantes de l’enfer carcéral

Il y a tout juste un an, le régime Assad tombait. Pour faire plier ses opposants, il avait eu recours à l’emprisonnement des femmes. Comme les hommes, elles ont été torturées, affamées et pour beaucoup violées. Elles sont aujourd’hui largement invisibilisées et très souvent rejetées parce que considérées comme salies.
Par Bushra Alzoubi et Céline Martelet
« Les États-Unis veulent détruire et vassaliser l’Europe »
La Midinale 8 décembre 2025

« Les États-Unis veulent détruire et vassaliser l’Europe »

Richard Werly, correspondant en France du journal suisse Blick et auteur de Cette Amérique qui nous déteste aux éditions Nevatica, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »
Entretien 1 décembre 2025 abonné·es

Extrême droite allemande : « Comme souvent, la colère retombe, on s’habitue »

Alors que l’AfD vient de refonder son organisation de jeunesse à Gießen, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont bloqué la ville pour tenter d’empêcher la tenue du rassemblement. Pour la germaniste et historienne Valérie Dubslaff, cette séquence s’inscrit dans la continuité des grandes mobilisations de 2024.
Par Maxime Sirvins