« Nous verrons bien qui ne votera pas ! »

Le projet de loi « Immigration, intégration et nationalité » d’Éric Besson compte des adversaires jusque dans la majorité. Le point de vue d’Étienne Pinte, député UMP et opposant à ce texte qui sera voté le 12 octobre.

Ingrid Merckx  • 7 octobre 2010 abonné·es

POLITIS : Député UMP des Yvelines, pourquoi avez-vous voté, le 30 septembre à l’Assemblée, avec l’opposition et quelques autres députés UMP, contre l’extension de la déchéance de nationalité visant les Français naturalisés depuis moins de dix ans ?

Étienne Pinte : Je suis hostile à l’extension des cas de déchéance de la nationalité, en particulier pour ceux qui relèvent du droit commun. Question de déontologie juridique. Être déchu de sa nationalité, c’est ­perdre une partie de son identité. En outre, cet article est anticonstitutionnel, inapplicable, et revient à une forme de double peine. Enfin, né en Belgique et naturalisé Français, je ne peux pas y être favorable.
Pourquoi vous être opposé au principe des zones d’attente temporaires ?
Des zones d’attente temporaires devraient répondre à des « arrivées massives » de réfugiés. Un groupe de dix personnes peut-il être considéré comme tel ? Cet article a été conçu après l’arrivée de Kurdes sur les côtes corses en janvier. Mais, quand une personne arrive en dehors des frontières normales – gare, port, aéroport –, on a le temps de la « transporter » dans un lieu d’accueil déjà existant où elle peut trouver avocats, interprètes etc. Pourquoi créer des structures exceptionnelles ? Cela ne va pas faciliter l’accès aux droits.

Que penser de mesures telles que l’allongement de la durée de rétention, le recul du juge judiciaire, le retour de la « double peine » ?

Actuellement, la durée maximale de rétention est de 32 jours. Neuf fois sur dix, les personnes sortent de rétention au bout de 8 à 10 jours. Pourquoi passer de 32 à 45 ? Éric Besson affirme que certains pays – le Maroc, le Vietnam et le Pakistan – nous sollicitent dans ce sens car ils auraient du mal à vérifier la nationalité de leurs ressortissants. Mais même les personnes originaires de ces pays sortent en moyenne dans les dix jours… On dit que la période de rétention est plus longue ailleurs en Europe. C’est possible, mais nous sommes le pays des droits de l’homme. Nos voisins n’ont pas tous les mêmes exigences en matière de droits. La mesure prévoyant que le juge administratif se prononce avant le juge judiciaire (juge des libertés) fragilise la situation des candidats à l’immigration et vise à accélérer les départs : l’arrêté d’expulsion signé par le préfet peut être appliqué avant la décision du juge des libertés, et on peut se retrouver à rappeler une personne expulsée… Autre disposition à laquelle je suis hostile : interdire de retour dans l’Union une personne qui n’a pas respecté son obligation de quitter le territoire. Si elle y a laissé de la famille et des enfants, elle sera tentée de les voir. En outre, sa situation peut changer, elle peut se marier, régulariser sa situation… Cette interdiction est également liberticide.

Vous avez défendu près de 40 amendements à ce texte. Ont-ils été entendus ?

Pas pour le moment. Mais, ce qui m’importe, c’est qu’ils puissent servir au Conseil constitutionnel quand il examinera ce texte, d’ici à la fin de l’année. Le projet de loi « Immigration, intégration et nationalité » sera soumis au vote de l’Assemblée le 12 octobre. Ma première attente : que mes collègues réticents, voire hostiles à ce texte votent contre, s’abstiennent ou ne participent pas au vote. Lors du vote de l’article sur la déchéance de la nationalité, nous n’étions que 135 en séance ! Que se serait-il passé s’il y avait eu 250 UMP ? Le 12 octobre, nous verrons bien qui ne votera pas !

Vous avez accusé Éric Besson d’avoir rédigé cette nouvelle loi sur l’immigration pour « draguer les électeurs du FN ». Maintenez-vous ?

Éric Besson et ceux que ce texte intéresse ont en tête les sondages d’avant l’été montrant une progression des voix du Front national (FN). Toutes les mesures prises depuis cherchent à ramener une partie de ces voix dans le camp de la majorité. Cet été, Brice Hortefeux montrait du doigt les « bien-pensants ». Aujourd’hui, les bien-pensants sont ceux qui luttent contre l’extrême droite, et les mal-pensants ceux qui sont proches des thèses du FN, y compris au sein de l’UMP ! Nous comptons une minorité, notamment nos collègues des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, qui soutient très fermement le projet de loi. Et qui en rajoute : Christian Estrosi veut jeter ­l’opprobre sur les maires qui n’ont pas recours à la vidéosurveillance, Éric Ciotti entend emprisonner les parents d’enfants délinquants… Points communs : ils sont confrontés à la montée du FN sur leur territoire.

Trouvez-vous valable de se référer aux directives européennes ou au comportement de nos voisins pour justifier un tel projet de loi ?

Avant l’été, ce projet de loi transposait trois directives européennes. Après l’été, il comptait 107 articles ! C’est dire qu’il s’étend bien au-delà. Le gouvernement se réfère à l’Europe quand ça l’arrange ! Ce qui m’a intéressé dans la diatribe Reding-Besson c’est que – enfin ! – la Commission européenne a rappelé à l’ordre les pays qui ne se préoccupent pas assez de l’intégration des minorités. Découverte stupéfiante : Angela Merkel a révélé que l’Allemagne avait intégré et naturalisé 70 000 Roms ! L’Espagne et la Suède développent des projets d’intégration exemplaires. Nous devrions nous inspirer de ces exemples. Par ailleurs, la Roumanie et la Bulgarie n’ont jamais pris l’insertion des Roms à bras-le-corps. J’ai fait des propositions telles que déclarer l’ensemble des enfants à la naissance, les scolariser, former les parents et favoriser leur insertion dans la vie active en sollicitant les entreprises européennes, notamment allemandes et françaises.

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