Pulsion de vie

Petit mais substantiel Éloge de la paternité par Bertrand Leclair.

Politis  • 14 octobre 2010 abonné·es

Il faudra remercier Bertrand Leclair d’ouvrir sur la paternité un espace de réflexion aussi vaste qu’il est ­restreint, ceinturé par l’opinion dominante, les Aldo Naouri, l’autoritarisme, la toute-puissance individualiste des adolescents qui rêvent de ne pas devenir (comme leur) père et ne donnent pas forcément envie à leurs jeunes aînés de le devenir… Le remercier de partir de lui sans faire de son expérience un principe –  « Je ne suis pas nataliste »  – mais sans rien enlever à sa joie : « Je naissais euphorique à l’état de père, éperdu de reconnaissance […], libéré de ma propre pesanteur. » Le remercier de prendre « paternité » dans un sens incluant la création, la transmission et la responsabilité. Ce qui lui permet de franchir la frontière entre parents et non-parents.

Il faudra le remercier de faire passer son cheminement par le patriarcat des années 1970, la mort du Père, la découverte de la « renaissance » et du « décollement de soi » , l’hommage aux pères (Goriot, Jean Valjean)… De glisser « Il faut tout reprendre à Œdipe » , entre Eros et Thanatos. D’ « appréhender » le père, quand les assauts rétrogrades l’esquivent pour cibler les mères. Enfin, d’oser aborder « le continent de l’insu » et confier son sentiment que la paternité « agrandit » .

Ce petit Éloge est conçu comme une suite de raisonnements : Bertrand Leclair tire un fil et déroule ce qui l’intéresse dans cette histoire. Il se met en situation en tant que fils, adolescent, rockeur, branleur, homme, lecteur, et père. Tantôt impudique tantôt discret, comme lorsqu’il renvoie à Michon ou à Nietzsche : « Oui, la fulgurante beauté de la chair, dans sa fugacité, possède le sceau de l’éternité, et c’est ce que je redécouvrais, ces jours-là, sur le très vieux plateau du Larzac où je passais quelques jours avec mes enfants, relisant le Gai Savoir ; […] je retrouvais le “sens de la terre”. »

Culture
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