À contre-courant / Séoul : un nouveau G20 en trompe-l’oeil ?

Dominique Plihon  • 4 novembre 2010 abonné·es

Chaque sommet du G20 est l’occasion de déclarations tonitruantes et de promesses non tenues. Sarkozy n’avait-il pas annoncé que le G20 de Londres, qui s’est tenu en avril 2009, allait déboucher sur « un nouvel ordre mondial »  ? On a vu ce qu’il en est résulté ! Deux exemples illustrent la supercherie des G20. La question des paradis fiscaux, d’abord, par lesquels transitent plus de 50 % des flux financiers internationaux, et dont tout le monde s’accorde à reconnaître officiellement qu’ils sont un cancer pour l’économie mondiale. Quelle mesure a pris le G20 de Londres ? Il a décidé de reprendre une classification de l’OCDE qui distingue trois groupes de paradis fiscaux selon leur degré de « transparence » : noirs, gris et blancs. Aujourd’hui, les principaux paradis fiscaux sont « blancs », donc acceptables. C’est ainsi que Monaco est devenu « blanc » car il a signé une douzaine de conventions d’échange d’informations avec d’autres pays, dont certains sont des paradis fiscaux !

Considérons maintenant la taxation des transactions financières (TTF). Le G20 de Toronto (juin 2010) avait mis ce point à l’ordre du jour. La France et l’Allemagne (pour une fois d’accord) ont indiqué qu’elles défendraient la création d’une TTF. De son côté, le Fonds monétaire international (FMI), mandaté par le précédent G20 de Pittsburg, a fait des propositions qui se limitaient à la taxation des seules banques, considérant que les TTF, du type taxe Tobin, sont peu efficaces et difficiles à mettre en place. Que s’est-il passé à Toronto ? Aucune décision n’a été prise. L’autorisation a simplement été donnée aux pays qui le souhaitent de mettre en œuvre chez eux des taxes sur les banques, ce que l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont fait sous la pression de leur opinion publique.

Que peut-on espérer du prochain G20, qui va se tenir à Séoul les 11 et 12 novembre ? À nouveau, on assiste à des annonces tonitruantes du type « armistice dans la guerre des monnaies » ou « réforme du système monétaire international » . Deux séries de mesures ont été discutées lors des réunions préparatoires. D’une part, des limites seraient imposées aux déséquilibres de balances des paiements courants : la proposition coréenne serait de plafonner les excédents à + 4 % du PIB et les déficits à – 4 % du PIB des pays concernés ; mais les pays excédentaires (Allemagne, Japon, Chine, etc.) ont déjà fait connaître leurs réticences. La deuxième décision attendue est la réforme des statuts du FMI pour en modifier les quotas (poids des pays membres) par une réduction de la part des pays européens – surreprésentés –, qui perdraient 2 sièges au conseil d’administration, au profit des principaux pays émergents. Les 10 « poids lourds » au sein du FMI deviendraient : les États-Unis, le Japon, les « Bric » (Brésil, Russie, Inde Chine), quatre pays européens (Allemagne, France, Italie, Grande-Bretagne), la Chine prenant la troisième place devant l’Allemagne.

Cette réforme constituera une avancée sur le plan de la représentativité des instances de direction du FMI. Mais elle ne garantit pas une évolution de son rôle et de sa doctrine. En effet, même si on peut espérer que l’arrivée en force des Bric au conseil d’administration du FMI amène des changements, il reste que l’on pourra continuer de faire au « nouveau FMI » le même reproche qu’au G20 : celui d’être un directoire représentant les pays les plus puissants de la planète. La plupart des pays en développement, particulièrement les plus pauvres, y seront peu représentés. Seule une véritable institution multilatérale, comme les Nations unies, est en mesure de promouvoir l’intérêt général. C’est pourquoi la réforme du système monétaire international devrait avoir lieu dans le cadre d’une conférence internationale, placée sous l’égide des Nations unies (G192), non du G20.

La France s’apprête à présider le G20 en 2011. On peut craindre que cette présidence soit surtout mise à profit par Sarkozy pour redorer son blason terni à l’étranger et en France, sans s’attaquer à l’essentiel. Pourtant, une réforme en profondeur devient urgente. Sinon, la crise des monnaies, avec un effondrement dangereux du dollar, pourrait constituer la prochaine phase de la crise financière internationale qui a débuté aux États-Unis en 2007.

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