À Cancún, le Moon Palace ne verra pas la couleur des manifestants

Patrick Piro  • 9 décembre 2010
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À Cancún, le Moon Palace ne verra pas la couleur des manifestants

C’est un quetzal, un serpent clinquant et opiniâtre qui ondule sur l’asphalte aride de la quatre voies Cancún-Tulum. Le vert des paysans la Via Campesina, le rouge et noir du Movimiento de liberación nacional, les damiers arc-en-ciel de « l’État plurinational de Bolivie », les blancs du Chiapas, les torses nus cuivrés d’autonomes exultants : mardi 7 décembre, deux mille marcheurs se tapent une bavante de près de 10 kilomètres. « L’eau est un droit de l’être humain coincé sur une autoroute en plein cagnard ! » , hurle Josh, venu d’Alaska. On fait circuler sa bouteille, et la crème solaire si l’on est occidental.

À l’horizon invisible, trop éloigné, gardé comme Fort Knox, le Moon Palace, où un essaim de négociateurs s’énerve à inventer la martingale d’un accord sur le climat. Sur la musique (très bonne), des slogans en boucle. « No se viende, la tierra no se viende ! » La terre n’est pas à vendre ! Et puis surtout « non à Redd » . Redd, pour réduction des émissions de la déforestation et de la dégradation des forêts, Redd barré, trituré, piétiné, l’acronyme martyr des manifestants de Cancún.

Au bout d’une ligne droite sans ombre, un mur d’acier de trois mètres de haut : la police fédérale a barré les voies, et posté ses gros bataillons de scarabées noirs. Du grand guignol : le Moon Palace, à plus de cinq kilomètres, n’a rien à redouter. Il n’y aura pas de provocation ni d’affrontement.

Quelques éminents négociateurs ont accepté de venir à la rencontre du serpent pour tenir une « assemblée des peuples », dont Pablo Solón et Miguel Lovera, ambassadeurs climat de la Bolivie et du Paraguay. On harangue à même le bitume : c’est le décor grandiose que la police aura concédé à l’un des seuls moments, fugaces, où le Moon Palace aura daigné parler à la rue (jeudi à 15h, Evo Morales, président bolivien, se rendait à l’espace où la Via Campesina a établi sa base — affluence garantie). La police, qu’on devine un peu chagrine d’en avoir fait autant pour rien, remballe sa muraille d’acier. Le matin, deux mille manifestants avaient défilé, aussi pacifiquement, dans les avenues du centre ville.

A voir, voir un très bon petit résumé vidéo de Sophie Chapelle et Maxime Combes sur cette chaude journée, démarrée par une échauffourée du Moon Palace (voir aussi le billet de Claude-Marie Vadrot hier) :

Assemblée des peuples à Cancun from Alter-Echos on Vimeo.

Temps de lecture : 2 minutes
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