La mine et le pinceau

« Les peintres au charbon », de Lee Hall, relate la fabuleuse épopée d’artistes anglais issus du prolétariat.

Gilles Costaz  • 9 décembre 2010 abonné·es

L’école d’Ashington : qui connaît en France ce groupe de ­peintres ? C’est pourtant l’une des plus belles histoires jamais arrivées depuis que l’art et l’éducation populaire existent. La pièce de Lee Hall, les Peintres au charbon , nous en fait le récit d’une manière un peu didactique mais éclairante. En 1934, dans une ville du nord de l’Angleterre, une association de mineurs fait venir un professeur pour des cours de « sensibilisation à l’art ». Le jeune prof tente de dispenser ses leçons sur les chefs-d’œuvre du patrimoine, mais son langage est si théorique qu’aucun ouvrier ne comprend un mot du premier exposé. Le prof a alors une idée de génie. « Faites plutôt vous-mêmes de la peinture, pour la comprendre de l’intérieur », dit-il à ses grands élèves.

Les prolétaires, en renâclant, se ­mettent au travail. À la surprise de chacun, les débutants s’avèrent plutôt doués. Ils rendent compte du labeur à la mine et de leur vie dans un style naïf, mais certaines œuvres sont stupéfiantes. L’un des mineurs a un coup de pinceau si original qu’une riche collectionneuse s’entiche de lui. Mais, face à la proposition de tout abandonner pour l’art, il préfère continuer à s’échiner à la mine. N’empêche que ses tableaux et ceux de ses amis sont exposés dans des galeries et musées à Londres. Jusque dans les années 1980, le Ashington Group sera un mouvement repéré et commenté.
Marion Bierry a adapté la traduction un peu hâtive de Fabrice Melquiot et mis en scène cette histoire qui pourrait être édifiante tant le texte de Hall utilise les contrastes et les antithèses avec un savoir-faire de dialecticien rompu au dialogue. Heureusement, Marion Bierry malaxe toute l’épaisseur humaine de cette épopée des humbles. Elle et ses comédiens dessinent juste ces destins de peintres. Les acteurs jouent en effet comme on croque dans les journaux : c’est tout de suite évident, direct et sensible. Robert Bouvier en tête, dans le rôle du mineur-artiste le plus original, Bernard Ballet, Éric Verdin, Thomas Cousseau, Odile Roire, Jacques Michel, Arthur Vlad et Carine Martin tracent charnellement, dans un décor abstrait et mobile de Gilles Lambert, ce réconfortant tableau constructiviste.

Pour une fois que les ouvriers ne fi­gurent pas dans une colonne de pertes et profits, on est heureux que l’hommage rendu soit fait avec cette élégance théâtrale.

Culture
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