La tentation d’une toile

Le Conseil d’État propose d’héberger des demandeurs d’asile sous tente. Colère des associations.

Xavier Frison  • 23 décembre 2010 abonné·es

Et si l’on hébergeait certains demandeurs d’asile… sous tente ? C’est la décision ubuesque formulée le 19 novembre par le juge des référés du Conseil d’État à l’attention du préfet de Paris. Après l’affaire des expulsions abusives à Nice, une nouvelle trouvaille vient ébranler l’obligation de loger tout demandeur d’asile dont le dossier est en cours. Une quarantaine d’organisations associatives, politiques et syndicales appelaient à un rassemblement à Paris le 20 décembre, pour protester contre cette décision de la plus haute juridiction française.

Selon le Conseil d’État, il appartiendrait à l’administration de « recourir à des modalités d’accueil sous forme de tentes ou d’autres installations comparables » . Ce palliatif « servirait à compenser le manque de places dans les centres spécialisés et la pénurie de crédits pour loger [les personnes ] dans des structures alternatives ou en hôtels » , analysent les organisations mobilisées. Évoquer les tentes, ou pourquoi pas cartons et vieux journaux, ne résout rien : pour le moment, ils sont toujours « des centaines à être laissés à la rue » .

Le Gisti rappelle qu’en France 20 400 lits sont dédiés au dispositif national d’accueil, quand il en faudrait au moins le double. « Le manque de places d’accueil ne relève donc pas d’un accident de parcours. Il est le fruit d’une politique. » Décision « inadmissible sur le plan humain » pour les associations de soutien aux immigrés, le coup d’éclat du Conseil d’État leur apparaît également contestable sur le plan du droit. Depuis 2003, une directive européenne impose aux pays membres de l’UE des « normes minimales » très claires. Ces pays ­doivent ainsi assurer des « conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons » , dans l’objectif du « plein respect de la dignité humaine » . On en est loin.

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