Accidents nucléaires au Japon : « Ce type d’accident peut se produire n’importe où dans le monde »

Alors que les incidents d’une ampleur jamais vue se multiplient dans plusieurs centrales nucléaires du Japon, suite au tremblement de terre et au tsunami qui ont touché le pays vendredi, les associations écologistes tirent le signal d’alarme. L’analyse de Sophia Majnoni, en charge de la question nucléaire à Greenpeace France.

Xavier Frison  • 14 mars 2011
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Accidents nucléaires au Japon : « Ce type d’accident peut se produire n’importe où dans le monde »
© Photo : AFP / Jiji Press. La centrale nucléaire endommagée de Fukushima (12 mars 2011).

Que vous inspirent les graves incidents nucléaires en cours au Japon ?

Sophia Majnoni : Le Japon est dans une situation inédite. Jamais dans l’histoire nucléaire mondiale, il n’y a eu autant d’accidents majeurs qui se succèdent comme c’est le cas aujourd’hui. La situation est grave et elle est loin d’être stabilisée. Progressivement tous les réacteurs touchés entrent dans un processus de début de fusion, avec un risque de fusion totale du coeur de ces réacteurs. Cela formerait une espèce de magma que rien ne peut arrêter et un immense nuage radioactif.

Malheureusement le scenario qui se déroule actuellement ressemble à un scenario catastrophe. Mais il n’est pas surprenant dans la mesure où toutes les études et analyses menées prévoyaient ce qui se passe aujourd’hui. Maintenant, on ne sait pas comment tout cela va finir.

Faut-il rouvrir le débat de la sûreté nucléaire en France ?

Ce type d’accident peut se produire n’importe où dans le monde. Les deux premiers accidents graves dans l’histoire du nucléaire (Three Mile Island, USA en 1979 et Tchernobyl, Ukraine en 1986) n’avaient aucun rapport avec un séisme.

En France, la tempête de 1999 a coupé l’électricité de la centrale du Blayais près de Bordeaux, empêchant le refroidissement des réacteurs. On a frôlé la catastrophe. En 1969 et 1980, la centrale de Saint-Laurent, au bord de la Loire, a subi deux accidents de niveau 4, avec fusion partielle du cœur. Les accidents peuvent provenir aussi bien d’erreurs humaines, de défauts de fonctionnement, de défauts mécaniques que d’événements climatiques exceptionnels.

Par ailleurs, il n’y a jamais eu d’étude sur les conséquences d’une inondation due à une forte montée des eaux, un scenario tout à fait envisageable. Et dire que l’on veut vendre des centrales nucléaires dans des pays désertiques alors que le système est basé sur le refroidissement…

Quel est l’état du parc nucléaire français ?

Le parc est vieillissant. Aucun réacteur EPR dit de nouvelle génération ne fonctionne en France, ce ne sont que des centrales de seconde génération. C’est clairement un risque supplémentaire : plus vous ajoutez d’aléas, plus vous multipliez le risque. Mais il est un peu tôt pour parler de la situation française. Nous avons les yeux rivés sur le Japon et avec nos amis de Greenpeace sur place nous voulons être sûrs de la transparence des informations données à la population.

Le gouvernement et l’UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet, Eric Besson et Jean-François Copé en tête, refusent de lier les accidents japonais à la question du nucléaire en France. Que vous inspire cette position ?

C’est un comportement irresponsable. Comment les autorités peuvent-elles tenir un tel discours ? les membres du gouvernement font le service après-vente d’Areva et laissent entendre que le Japon, réputé pour sa sûreté nucléaire, a pris des risques là où la France n’en prend pas. Mais avec le nucléaire, le risque zéro n’existe pas, rien n’est prévisible ni maîtrisable en cas d’accident !

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes
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