Opération écoles occupées

Alors que les syndicats peinent à mobiliser dans la rue, les mouvements de protestation menés par des parents d’élèves se multiplient.

Ingrid Merckx  • 24 mars 2011 abonné·es
Opération écoles occupées

Entre 15 000 et 28 000 personnes ont défilé le 19 mars contre les suppressions de postes dans l’Éducation nationale. Elles répondaient à l’appel du collectif L’éducation est notre avenir, qui regroupe plus de 25 organisations, dont les principales fédérations syndicales, les parents d’élèves de la FCPE, les lycéens de l’UNL et les étudiants de l’Unef. 16 000 suppressions de postes sont annoncées pour la rentrée 2011, qui s’ajoutent aux 50 000 suppressions cumulées depuis 2007. Partout, des classes engorgées, des fermetures d’options, de filières, de classes, voire d’établissements, des absences d’enseignants non remplacées, des départs de psychologues scolaires… De quoi s’attendre à un ­nombre de manifestants bien plus important.

Certes, cette manifestation était la troisième du type depuis la rentrée et coïncidait avec une actualité internationale dramatique. Mais les syndicats ­peinent à mobiliser, selon Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen-CFDT, du fait d’un sentiment « que de toute façon le gouvernement ne cédera pas » . Ils étaient entre 5 500 et 12 000 à Paris, près de 2 500 à Lyon et 2 000 à Toulouse, entre 850 et 2 000 à Rennes… Surtout des professeurs
–  « Enseigner, oui mais pas en saignant »  – et peu de parents, semble-t-il.

« Toutes nos têtes de pont étaient mobilisées le 19 mars, objecte la FCPE, mais peut-être que les parents non militants ne vont pas manifester. »
S’ils ne sont pas tellement dans la rue, les parents sont de plus en plus nombreux dans les écoles. Témoin, le nombre grandissant d’occupations d’établissement. La maternelle Jean-Jaurès d’Épinay-sur-Seine (93) a été investie par des parents du 11 janvier au 15 mars, « un des plus longs mouvements d’occupation » , selon Mathieu Glaymann, membre de la FCPE locale. Le 15 mars, le XIIIe arrondissement de Paris comptait des occupations de parents dans l’école élémentaire Jeanne-d’Arc et les maternelles Espérance et Porte-d’Ivry. Dans le XXe, pas moins de quatre écoles du Bas-Belleville étaient concernées. Le 18 mars, le lycée Joliot-Curie de Nanterre lançait un mouvement pour protester contre la suppression de 200 heures de cours. Dans l’Ain, deux lycées professionnels et trois collèges seraient occupés, selon SUD Éducation. « On note des occupations en Loire-Atlantique et en Loir-et-Cher » , complète la FCPE, qui renvoie à l’onglet « Sur le terrain, les parents se mobilisent » sur son site Internet. Difficile d’avoir une vue d’ensemble : les informations ne sont pas centralisées. Les occupations sont recensées par académie et, s’il existe un dossier national au ministère, il ne communique pas à ce sujet. Elles peuvent durer une journée ou des semaines…

« C’est parfois autour d’une action de parents qu’une mobilisation syndicale se construit » , observe Jean-Antoine Puig de SUD Éducation. Pour quel résultat ? « Nous avons obtenu l’augmentation du nombre de remplaçants de 24 à 27, et 30 annoncés pour septembre prochain sur la ville, et le principe du rattrapage d’une partie des heures perdues, qui n’avait jamais été étudié » , déclare Mathieu Glaymann, à Épinay.

S’ils attendent de voir « la mise en œuvre » , les parents de Jean-Jaurès se réjouissent déjà de « la reconnaissance des responsables politiques qui ont vu notre détermination et la fiabilité de nos chiffres »  : chaque matin pendant leur occupation, ils recensaient les professeurs absents dans la commune. Ils sont également « fiers » d’avoir prouvé une « capacité d’indignation doublée de propositions » .

« C’est très important dans un quartier en partie relégué, ajoute Mathieu Glaymann. Les parents ont retrouvé confiance en l’avenir. Certains qui voulaient mettre leurs enfants dans le privé par résignation sont revenus sur leur choix. » Parti d’un établissement, ce mouvement s’étend. « Le ministère et l’Inspection d’académie ne peuvent pas juste dire : “On supprime 16 000 postes mais vous ne le verrez pas.” Enfin nous avons obtenu un débat qui se prolonge sur la notion de discrimination territoriale. » Le 15 mars, quand les parents d’élèves ont saisi la Halde sur ce motif, il y avait « un monde fou » à leur conférence de presse. Pas naïfs pour autant, ils proposent, pour maintenir la pression, une journée « écoles occupées » le 31 mars.

Société
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