Procès Chirac reporté : « Une question de décence »

Le procès de Jacques Chirac a été reporté au mois de juin 2011, suite aux manœuvres procédurières des avocats de la défense. Trois questions au collectif Sauvons les riches, partie civile au procès.

Erwan Manac'h  • 8 mars 2011 abonné·es
Procès Chirac reporté : « Une question de décence »
© Photo : ORLANDO SIERRA (mai 2004) / AFP

Le Tribunal correctionnel de Paris a décidé de transmettre à la Cour de cassation la «Question prioritaire de constitutionnalité» déposée par l’avocat de Rémy Chardon, l’ancien directeur de cabinet de Jacques Chirac. Elle concerne l’application de la prescription sur cette affaire de délit occulte. Une manœuvre -réussie- avant tout destinée à gagner du temps.

Dans le procès des emplois présumés fictifs de la ville de Paris impliquant Jacques Chirac, qui a débuté ce lundi, plusieurs associations se sont constituées parties civiles. Le collectif Sauvons les riches lutte pour la justice sociale et contre l’impunité d’un microcosme de «puissants» qui tient le pouvoir économique et politique. Analyse de ce report avec Ophélie Latil, membre du collectif.

Le procès a été ajourné au mois de juin, le temps que la Cour constitutionnelle rende sa décision. Comment recevez-vous cette annonce?

On s’y attendais. La défense de Chirac joue sur le temps et tente de faire valoir que l’ancien président est vieux et fatigué. Mais ça ne va pas avoir d’incidence sur notre volonté de faire parler de cela. Nous ne sommes pas pour tirer sur un malade ou une personne âgée, mais les emplois fictifs ont aidé Jacques Chirac à grandir en politique et à devenir une sorte de modèle. Il faut que ce procès serve justement à combattre ce modèle d’un homme politique au-dessus des lois.

Dans ce procès tout le monde est un peu merdeux. Toutes les preuves sont réunies, il y a des documents, signés de la main de l’ancien maire de Paris, qui prouvent qu’il a eu recours à des emplois fictifs. Tout le monde sait donc que si ce procès avait lieu, il serait reconnu coupable. Il faut que cela serve, c’est une question de décence. Ce procès doit être un symbole d’une justice qui n’est pas oubliée.

Pourquoi vous êtes-vous portés partie civile ?

Nous nous substituons à la mairie de Paris, car nous estimons qu’elle avait un rôle éthique à jouer dans ce procès. Son absence est un signe de mépris envoyé aux gens à qui on dit à longueur de temps qu’il faut respecter les lois de la République et contre qui les sanctions s’appliquent en cas de délit. C’est un exemple alarmant qu’on envoie, en ne poursuivant pas des suspects dans des affaires d’abus de biens sociaux.

Nous étions donc fermement opposés au protocole Delanoë-Chirac-UMP [^2] parce qu’il revient à expliquer que lorsqu’on est un politique, on est au-dessus des lois.

C’est un petit monde de petites personnes qui estiment que les Français n’ont pas à savoir. Mais si on veut que les Français aillent voter, il y a un exemple à monter. Personne ne peut se substituer à la justice. Le système judiciaire aujourd’hui est méticuleux, mais si personne ne le saisit, la justice reste oubliée. C’est donc au peuple de s’en saisir. Il était donc de notre devoir en tant que citoyen de se constituer partie civile.

Comment s’est déroulé le début du procès ?

Pour le moment ça reste un peu délicat. Les débats se sont cantonnés à des questions techniques. Les avocats de Chirac essaient de gagner du temps sur des points de détails, ils attaquent l’idée qu’on puisse se porter partie civile.

[^2]: qui prévoit le retrait de la ville de Paris comme partie civile en échange du versement de 2,2 millions d’euros par Jacques Chirac et l’UMP à la municipalité pour effacer le «préjudice» causé par les 21 emplois fictifs

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