Putain de loi…
Médecins du monde publie une enquête sur les effets pervers de la loi sécuritaire de 2003.
dans l’hebdo N° 1145 Acheter ce numéro
C’est ce qu’on appelle une loi ratée. Le 18 mars 2003, la loi pour la sécurité intérieure (LSI) réintroduisait le délit de racolage passif. Huit ans plus tard, Médecins du monde (MDM) publie une enquête menée auprès de 70 prostitué(e)s sur les effets de la LSI. Le bilan est sans appel : Pour MDM, « les personnes se prostituant font face à une détérioration de leur situation au regard des violences et de l’accès aux soins » .
Premier problème, la pénalisation du racolage passif, en opposition à la prostitution, qui est légale, a instauré une grande confusion dans l’esprit des prostitué(e)s, plus vulnérables face à la police, qui sait jouer de l’ambiguïté. Brimades et humiliations ont ainsi nettement augmenté depuis mars 2003. « La fonction de protection que pouvaient remplir les policiers avant l’adoption de la LSI a pratiquement disparu, et leur intervention apparaît le plus souvent essentiellement répressive » , confirme Médecins du monde.
Certains clients – ils ne sont pas concernés par la nouvelle loi – ressentent également un sentiment d’impunité qui favorise les violences. « Les clients n’ont pas peur de la police ; par contre, ils considèrent que nous, on en a peur, témoigne une personne prostituée. Du coup, ceux qui veulent nous forcer à rendre l’argent après la passe n’ont aucune crainte quand on dit qu’on va appeler la police. »
Pour les sans-papiers, c’est la « double peine », certaines communautés étant plus visées que d’autres. « La LSI, en créant un délit de racolage passif ajoute au stigma de “la prostituée” celui de la délinquance , explique le docteur Paul Bolo, responsable de la mission prostitution à Nantes. Pour les femmes migrantes, souvent sans papiers, en stratégie de survie, ce double stigma (migration-prostitution) correspond bien à une double peine. » Enfin, en isolant les prostitué(e)s dans des lieux de plus en plus reculés, la LSI les a aussi éloigné(e)s des structures de soin et de prévention.