Putain de loi…

Médecins du monde publie une enquête sur les effets pervers de la loi sécuritaire de 2003.

Xavier Frison  • 24 mars 2011 abonné·es

C’est ce qu’on appelle une loi ratée. Le 18 mars 2003, la loi pour la sécurité intérieure (LSI) réintroduisait le délit de racolage ­passif. Huit ans plus tard, Médecins du monde (MDM) publie une enquête menée auprès de 70 prostitué(e)s sur les effets de la LSI. Le bilan est sans appel : Pour MDM, « les personnes se prostituant font face à une détérioration de leur situation au regard des violences et de l’accès aux soins » .

Premier problème, la pénalisation du racolage passif, en opposition à la prostitution, qui est légale, a instauré une grande confusion dans l’esprit des prostitué(e)s, plus vulnérables face à la police, qui sait jouer de l’ambiguïté. Brimades et humiliations ont ainsi nettement augmenté depuis mars 2003. « La fonction de protection que pouvaient remplir les policiers avant l’adoption de la LSI a pratiquement disparu, et leur intervention apparaît le plus souvent essentiellement répressive » , confirme Médecins du monde.

Certains clients – ils ne sont pas concernés par la nouvelle loi – ressentent également un sentiment d’impunité qui favorise les violences. « Les clients n’ont pas peur de la police ; par contre, ils considèrent que nous, on en a peur, témoigne une personne prostituée. Du coup, ceux qui veulent nous forcer à rendre l’argent après la passe n’ont aucune crainte quand on dit qu’on va appeler la police. »

Pour les sans-papiers, c’est la « double peine », certaines communautés étant plus visées que d’autres. « La LSI, en créant un délit de racolage passif ajoute au stigma de “la prostituée” celui de la délinquance , explique le docteur Paul Bolo, responsable de la mission prostitution à Nantes. Pour les femmes migrantes, souvent sans papiers, en stratégie de survie, ce double stigma (migration-prostitution) correspond bien à une double peine. » Enfin, en isolant les prostitué(e)s dans des lieux de plus en plus reculés, la LSI les a aussi éloigné(e)s des structures de soin et de prévention.

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