Contre cette intervention

Rony brauman  • 7 avril 2011 abonné·es

J’ai été très rapidement contre cette intervention tout en voyant l’insurrection avec le même regard de sympathie que la plupart de mes amis. Quand la menace d’un écrasement de la rébellion par les troupes de Kadhafi est apparue, on pouvait imaginer une tentative d’intimidation pour desserrer l’étau sur Benghazi, car cette menace était en effet à prendre au sérieux. Même si parler de « grand massacre » fait partie des constructions propagandistes de circonstance, il est probable que du sang aurait coulé en grande quantité. Autrement dit, l’objectif local d’une intervention autour de Benghazi, sans aller nécessairement jusqu’à des frappes, mais avec une démonstration de force de la coalition par des survols d’avions, me semblait acceptable. Cela, associé à l’ensemble des mesures de rétorsion économiques et diplomatiques déjà prises.

Mais la résolution 1973 de l’ONU se référait non pas à un risque de massacre dans Benghazi, mais à la « protection des civils » en général. La « nécessité de protéger » conduit mécaniquement à un changement de régime. C’est ce qui a été évoqué au moment du Darfour avec la mise en scène d’un faux génocide. C’est l’enlisement garanti. Dès lors que la question du pouvoir libyen était posée, nous avions affaire à une stratégie de type Kosovo. Une stratégie de frappes aériennes dont le prolongement devait être assuré par les insurgés au sol, comme l’UCK au Kosovo [^2]. C’était un pari politique fumeux qui consistait à miser sur une débandade de l’entourage de Kadhafi et une arrivée au pouvoir d’une insurrection organisée. Cela relève pour moi du conte de fées. Si, en Afghanistan, en 2001, on s’était contenté de détruire les bases d’Al-Qaïda, et non pas d’installer la démocratie, de dévoiler les femmes et d’éduquer le peuple, on ne serait pas dans le bourbier sanglant dans lequel on est en train de patauger. Il n’y a pas d’exemple de guerre – car il s’agit bien ici d’une guerre – qui ne déclenche des réactions en chaîne absolument incontrôlées.

[^2]: De mars à juin 1999, les frappes de l’Otan pour imposer le retrait des forces serbes du Kosovo ont duré 78 jours au lieu des 4 ou 5 jours annoncés.

Publié dans le dossier
Enquête sur la gauche de droite
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