«Coup d’éclat» : libération d’une femme

Coup d’éclat,
de José Alcala, un polar social qui offre
un très beau rôle
à une comédienne subtile, Catherine Frot.

Christophe Kantcheff  • 28 avril 2011 abonné·es

Ce n’est guère surprenant de voir José Alcala, réalisateur de les Molex, des gens debout , documentaire impeccable diffusé l’automne dernier sur Arte, réaliser des films de fiction ayant aussi une forte composante sociale. C’est le cas de ce second long-métrage, Coup d’éclat . Le film met en scène une capitaine de police, Fabienne (Catherine Frot), dans une petite ville côtière du Sud (Sète), amenée à enquêter auprès de marginaux qui vivent en retrait de la ville. Elle recherche l’enfant disparu d’une jeune prostituée russe, Olga, tuée dans des circonstances mystérieuses.

Si Coup d’éclat a des allures de polar, avec sa dose de suspense, ses ambiances sombres et ses nuits noires, sa facture, de ce point de vue, est ultraclassique. Ce qui l’est moins, c’est la petite chronique du commissariat qui s’y dessine, et qui fait entendre, à travers les confrontations entre Fabienne et son supérieur, les maux actuels de la police : politique du chiffre, sous-effectif, rendement exigé…

Plus intéressant encore, c’est que ce mal-être professionnel est exprimé par une femme qui, jusqu’alors, s’accommodait de ces conditions de travail. Dans les premières images, Fabienne est un officier de police sans conscience particulière, repliée sur elle-même. Olga, dont les papiers sont trafiqués, ne devrait être pour elle qu’un cas de reconduite à la frontière comme un autre. Mais elle est touchée intimement par cette jeune femme, qui prétend avoir un enfant. Et qui, ensuite, est donc assassinée.

C’est le point de départ d’une transformation qui va gagner Fabienne, au-delà même de son travail. Et tel est le vrai sujet de ce film, en tout cas le plus intéressant : comment une femme en vient à changer de regard sur elle-même, sur sa vie, celle d’une célibataire coincée entre sa mère malade, son boulot, et, devine-t-on, la douleur d’un souvenir : celui du décès, maintenant ancien, de son enfant.

Cette forte dimension psychologique n’est heureusement jamais soulignée, ni même jamais explicite. Comme par exemple la possibilité d’une idylle avec un travailleur immigré algérien, Kacem (Karim Seghair), qui aide d’abord Fabienne dans son enquête, avant de lui apporter du réconfort. Cette délicatesse du scénario et de la mise en scène est à saluer, comme le jeu de Catherine Frot, plus habituée aux rôles comiques, qui se montre ici aussi convaincante que séduisante dans le rôle d’une femme qui peu à peu se défait des contraintes de son travail, de ses défenses affectives, de son horizon borné. Et quand, à la fin du film, elle libère ses cheveux pour la première fois, c’est une femme prête à vivre et à aimer qui apparaît.

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