Dernier coup de gueule du médiateur

Christine Tréguier  • 14 avril 2011
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Le Médiateur de la République a vécu. Créée en 1973, cette instance de conciliation entre citoyens et administrations va bientôt être absorbée par le Défenseur des droits. Lequel va avoir du pain sur la planche, si on en croit le dernier rapport annuel rendu le 31 mars par Jean-Paul Delevoye, dernier médiateur en date. Un rapport tendance pessimiste et critique qui traduit, à sa manière, le mécontentement et le ras-le-bol des citoyens vis-à-vis de services publics de moins en moins à leur service.

Dans son introduction, Delevoye épingle les politiques. « La réponse politique , estime-t-il, n’est pas à la hauteur des enjeux. » Les débats « sont minés par les discours de posture et les causes à défendre noyées parmi les calculs électoraux » .

À la question « la conception de l’action publique est-elle en phase avec la réalité de terrain ? » , le rapport répond en énumérant quelques causes de dysfonctionnement : « absence de vision transversale, ambitions démesurées, loi pas toujours applicable, manque de moyens de mise en œuvre… » Mais la critique qui revient d’un bout à l’autre est celle d’un empilement législatif qui «  opacifie l’accès des citoyens à l’information et complique la tâche des exécutants » . Cet excès de règlements, leur obsolescence très rapide et le manque de formation des agents aux nouveaux dispositifs et logiciels génèrent une grande instabilité juridique et des difficultés d’interprétation pour les agents, qui préféreront souvent, au bénéfice du doute, ne pas accorder une aide ou un crédit d’impôt.

Le rapport est encore plus sévère en ce qui concerne les « moyens limités » de l’administration. Dans le collimateur : la RGPP et l’informatisation, qui font que les plages d’ouverture de certains services se réduisent, et que les usagers doivent se contenter, en guise d’interlocuteur, de l’inévitable serveur vocal qui parfois leur raccrochera au nez. Cette déshumanisation des relations entre l’administration et les usagers est d’ailleurs à l’origine d’une grande partie des réclamations reçues par le Médiateur. Nombreuses sont celles qui auraient dû être réglées par un simple coup de fil auprès du service administratif ad hoc, explique le rapport. Problème, contacter les services en question est devenu un vrai casse-tête, et les usagers restent trop souvent sans réponse et sans interlocuteur. « L’administration a perdu sa capacité à faire du sur-mesure pour les personnes en difficulté » , déplore le Médiateur.

Le rapport relève également les excès de zèle des agents par crainte de la hiérarchie, les applications mécanistes de la loi (par exemple, dans le cas de renouvellement de document d’identité pour les Français nés à l’étranger), ou encore des décisions partiales, en particulier en matière de regroupement familial.

Citons pour finir une interrogation glissée aux deux tiers du document : « Face à certains cas de non-paiement de droits sociaux légitimes, certains chargés de mission de l’Institution en viennent d’ailleurs à se demander si l’administration ne cherche pas à gagner volontairement du temps pour gérer ses problèmes de trésorerie. » Si c’est le Médiateur qui le dit…

Le rapport 2010 du Médiateur de la République (PDF) : http://bit.ly/g4JVqC

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