L’Autorité de sureté nucléaire dans le collimateur des associations

Vendredi, le Réseau sortir du nucléaire et le collectif Stop EPR2 ont tenté de s’immiscer dans le bâtiment parisien de l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) pour y faire leur propre « visite décennale ». Ils reprochent à l’ASN son manque d’indépendance. Reportage.

Erwan Manac'h  • 22 avril 2011
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L’Autorité de sureté nucléaire dans le collimateur des associations

Paris, VIIIe arrondissement, 22 avril au matin. Une trentaine de militants et quelques journalistes se sont fondus dans le flot des passants. Un assaut pacifique, suivant un plan d’action millimétré, doit être donné à 10h sur le bâtiment de l’Autorité de sureté nucléaire (ASN). La petite bande rassemblée par le collectifs Stop EPR2, avec le soutien expert des Désobéissants, sera pourtant stoppée par une trentaine de CRS, déployés 15 minutes avant le début de l’action.

Qu’à cela ne tienne. 10h15, Xavier Renou, le stratège de l’opération, s’avance seul dans une combinaison blanche. Journalistes, CRS et militants s’affairent dans son sillage. L’homme se présente à l’entrée du bâtiment, devant deux agents de sécurité incrédules. Puis il se retourne face au trottoir et commence :

« Nous sommes venus demander des explications à l’ASN et réclamer la fermeture des centrales nucléaires situées en zones sismiques et inondables » , lance-t-il devant une bousculade de micros et caméras. « L’ASN ne fait pas son travail, il y a une dizaine de centrales en zones sismiques qui devraient être fermées. »

La centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), entrée en service en 1977 sur une zone sismique est devenue un symbole pour les opposants au nucléaire. Mais d’autres réacteurs sont pointés du doigts comme la centrale du Blayais à 50 km de Bordeaux (Gironde). Une catastrophe a été évitée de justesse dans ce réacteur proche du littoral, après la tempête de décembre 1999 qui avait inondé partiellement ses bâtiments et entraîné une panne électrique pendant quelques heures[^2].

L’ASN est aussi accusée d’avoir entériné des évaluations d’EDF sur le risque sismique en 2002, alors qu’elles étaient jugées fallacieuses par les associations et contestées par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). D’après l’Observatoire du nucléaire, EDF avait falsifié des données sismiques autour de 32 des 58 réacteurs français pour ne pas avoir à financer des travaux de sécurisation très coûteux. L’ASN, jugée « complice » d’EDF par les militants dans le maintien des centrales en dépit des risques de tremblement de terre, a adopté en octobre 2010 un nouveau « zonage sismique » pour rectifier le tir.

Politis n°1145 (Sources : ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, Commissariat à l’énergie atomique.)

Ces informations ne rassurent pas les associations anti-nucléaire, qui ont perdu toute confiance dans l’organisme de surveillance. « L’ASN privilégie les profits à court terme plutôt que la sécurité à long terme ; nous ne croyons pas en son indépendance» , peste Xavier Renou. Ce dernier pointe également du doigt les réacteurs à eau pressurisée (EPR) qui sont en cours de construction. En 2008, l’ASN avait suivi ses homologues britanniques et finlandais qui formulaient des critiques sur les systèmes de « contrôle-commande » dans les futurs réacteurs, sans toutefois faire interrompre les travaux.

Xavier Renou, Désobéissant

Illustration - L'Autorité de sureté nucléaire dans le collimateur des associations

Pour moquer la visite de contrôle qu’EDF effectue en ce moment à la centrale de Fessenheim, les Désobéissants avaient prévu d’arpenter par binômes les couloirs de l’ASM, pour procéder à leur propre « visite décennale » . Ils s’en tiendront pour finir à un sit-in devant le bâtiment, pour tenter d’arracher une rencontre avec des représentants de l’autorité administrative.

« Ils faut qu’ils se rendent compte que nous allons maintenir la pression », explique Thierry Sallandin, qui milite avec le Réseau sortir du nucléaire depuis 1971 et la mobilisation, déjà « festive » à l’époque, contre la centrale du Bugey (Ain). « Les politiques sont obligés de prendre en compte les évolutions de l’opinion publique, on le voit en France avec le changement de position du Parti socialiste. L’État allemand est aussi en train de basculer vers l’idée qu’il faut sortir du nucléaire. »

Vendredi à la mi-journée, une délégation a finalement été reçue par le directeur adjoint de l’ASN. D’après Sortir du nucléaire, ce dernier assure que l’autorité a clairement demandé à EDF de revoir sa copie pour la sécurisation des futures centrales EPR. Les opposants au nucléaire se sont dispersés en début d’après-midi, estimant toutefois qu’ils n’avaient pas été entendus sur la question des centrales en zones sismiques et inondables.

Illustration - L'Autorité de sureté nucléaire dans le collimateur des associations

→ Soutenez le prochain reportage de Politis.fr en Amérique du Nord, à la rencontre des victimes de l’exploitation des gaz de schiste et des militants opposés à cette technique destructrice.


[^2]: Lire le rapport de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur l’incident.

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