Prime de 1000 euros pour les salariés : « La communication du gouvernement de fonctionne pas »

Après l’annonce impromptue de François Baroin en faveur d’une prime de 1 000 euros pour les salariés des entreprises qui versent des dividendes à leurs actionnaires, divers ministres ont tenté de préciser le projet, le vidant de toute substance. Décryptage avec l’économiste Nicolas Béniès.

Milhan Guy  • 19 avril 2011
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Prime de 1000 euros pour les salariés : « La communication du gouvernement de fonctionne pas »
© Photo de Une : AFP / Francois Nacimbeni. Le 4 novembre 2010 à Troyes. Photo de l'article : http://www.snes.edu/Monstres-et-economie.html

Au micro d’Europe 1 mercredi dernier, le ministre du Budget François Baroin annonçait 1 000 euros de prime pour les salariés des entreprises du CAC 40 qui versent des dividendes à leurs actionnaires. Il y avait manifestement urgence à se montrer actif sur le front social pour le gouvernement : une loi sera adoptée   « avant l’été » , lançait dimanche le ministre du Travail Xavier Bertrand. Elle sera intégrée à la loi de finance rectificative, pour être adoptée « dans les plus brefs délais » , abondait Christine Lagarde, ministre de l’Économie.

Le numéro du gouvernement souffre pourtant d’un léger manque de coordination. Xavier Bertand a précisé que la mesure concernerait les entreprises qui augmentent leur dividendes, resserrant l’entonnoir sur une dizaine de très grandes entreprises. Lundi, Christine Lagarde déclarait qu’elle n’était pas favorable à un montant obligatoire pour ces primes, plaidant pour des négociations au sein de chaque entreprise. Et la mécanique de la futur prime est plutôt flou. « Prime de participation » , ou « d’intéressement » en fonction des résultats de l’entreprise, ou bien même « prime directe » , hésitait encore dimanche Xavier Bertand. « On peut imaginer des exonérations fiscales pour l’entreprise et sociales pour les salariés » , lançait-il enfin.

François Baroin aurait-il tenté d’allumer un contre-feu pour masquer à la fois la réforme de l’ISF et le gel des salaires des fonctionnaires pour 2012, qui devrait être annoncé mardi selon le quotidien Les Echos [^2] ?

Décryptage avec Nicolas Béniès, économiste.

Est-on en train d’assister à un miracle, soit le basculement idéologique de la droite qui se reconvertit au partage des profits ?

(Rires) Je pense que c’est plutôt un effet d’annonce, puisque les 1000 euros

Nicolas Béniès, économiste.

s’adressent aux entreprises qui augmenteront les dividendes de leurs actionnaires. Cela explique le changement de position de Laurence Parisot, la présidente du Medef, qui était fondamentalement contre au départ et qui est maintenant dans un quasi consensus avec l’idée que les primes seraient différentes en fonction des entreprises. C’était surtout une solution pour noyer la question de l’augmentation des salaires. Il y a une volonté de trouver des moyens de faire dériver les revendications syndicales et sociales qui montent.

Combien de personnes pourraient bénéficier de cette prime ?

Elle serait vraisemblablement limitée aux entreprises du CAC 40. Mais ce qu’il faut surtout souligner, c’est que la logique elle-même pose problème. L’augmentation des profits de ces entreprises aujourd’hui provient d’une sur-exploitation des salariés avec une intensification du travail. On en perçoit les conséquences avec les débats sur le stress et la souffrance au travail. Ces entreprises font aussi peser à l’ensemble du réseau sous-traitant leur volonté d’augmenter leurs propres profits. Les dividendes ne sont donc pas un bon indicateur de la santé d’une entreprise.

L’annonce de François Baroin vous paraissait-elle préparée ?

Absolument pas, nous avons un président qui essaie de répondre à une situation en improvisant totalement. La communication du gouvernement ne fonctionne pas. On risque d’avoir toute une série d’annonces du même genre ces prochains mois, pour permettre au candidat Sarkozy d’exister. Mais c’est inefficace. L’ambiance politique générale est à la désagrégation et au pourrissement de la légitimité du président. Aujourd’hui, tout ce qu’il dit apparaît comme nul et non avenu. La discussion actuelle ne reflète pas les problèmes importants de la société française, engluée dans la crise systémique du capitalisme. On est dans une crise politique que personne ne veut souligner. Une profonde crise de légitimité.


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[^2]: Le point d’indice qui permet de calculer le salaire des agents resterait donc identique, comme c’était déjà le cas en 2011.

Temps de lecture : 3 minutes
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