Et maintenant, la transition énergétique !

L’eurodéputé José Bové voit dans cette mobilisation, qui dépasse les clivages politiques, l’avancée de la conscience écologiste en France.

Patrick Piro  • 5 mai 2011 abonné·es

Politis : La mobilisation contre les gaz et huiles de schiste marque par son ampleur, sa célérité et l’appui qu’elle reçoit dans tous les partis. Comment l’expliquer ?

José Bové : Tout d’abord, il y a une rébellion contre la sempiternelle omerta en vigueur dans notre pays sur ce type de projets : associations, maires, élus locaux, personne n’avait d’information sur ce qui se tramait, alors même qu’un parc national et trois parcs naturels régionaux étaient concernés ! Les préfectures, interrogées, n’étaient au courant de rien sur des permis d’exploration souvent signés par un fonctionnaire secondaire.
Ensuite, l’eau, dont la technique d’extraction est très gourmande, est un bien rare dans les régions concernées, et son usage pour du gaz de schiste a soulevé l’indignation. Pour l’occasion, nous avons assisté, par voie indirecte, à la première mobilisation à grande échelle en faveur de l’eau en France.
Enfin, les gens ont aujourd’hui acquis la conviction qu’il est possible d’agir, et de bloquer des opérations projetées sur leur territoire. Alors que, dans le cas de la loi sur les retraites, par exemple, on peut perdre la bataille même avec des millions d’opposants dans la rue. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si l’on s’est braqué aussi vigoureusement dans l’Ardèche, les Cévennes ou le Larzac, lieux de résistance symboliques dans l’histoire.


Des territoires où la gauche est bien implantée…

Mais pas partout. Par exemple, le conseil général de l’Aveyron, dirigé par la droite, a voté à l’unanimité son opposition. La Lozère est aussi montée au créneau sans hésiter. En Seine-et-Marne, visée par l’exploitation des huiles de schiste, le PS est en position de faiblesse : c’est Christian Jacob, agriculteur et poids lourd UMP, qui a immédiatement réagi contre la menace du saccage des paysages et de la pénurie d’eau. Cette affaire a vraiment secoué les gens, quelle que soit leur couleur politique. Tous les élus de territoire se sont sentis cocus.


Pourtant, la crise des ressources est là, les prix de l’énergie grimpent…

Mais peut-être que l’environnement, après trente années de débats, devient enfin un élément constitutif du débat public, un marqueur fort. Le gaz contre l’eau, est-ce que ça en vaut la peine ? Il s’est passé quelque chose d’important autour de cette bataille, qui démontre que l’écologie n’est plus vécue aujourd’hui comme un simple supplément d’âme.


Ne s’agit-il pas d’abord du réflexe « pas de ça chez moi » ?

Nous n’en sommes plus là, ni même à la pure critique de principe. Dans tous les débats auxquels j’ai assisté, est abordée de manière responsable la question de cette « transition énergétique » à laquelle sont confrontées nos sociétés alors qu’il faudra bien renoncer aux combustibles fossiles mais aussi au nucléaire. Ce qui implique évidemment une diminution forte de nos consommations.

→ Soutenez le premier reportage collaboratif de Politis.fr en Amérique du Nord, à la rencontre des victimes de l’exploitation des gaz de schiste et des militants opposés à cette technique destructrice..

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Écologie
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